- Le Pic de Foréant 3081m par le Vallon de Bouchouse

Réalisée le 09-10 août 2024

Le Parc Naturel Régional du Queyras regorge de 3000 accessibles. Avec des hautes vallées et des cols routiers importants, il y en a pour tous les goûts et tous les niveaux. Même son Gr58 peut s'agrémenter de quelqu'uns de ces sommets durant son parcours histoire d'offrir de vastes panoramas aux trekkeurs qui l'arpentent. Mais ces paysages divers et pleinement montagnards rameutent chaque année un peu plus de randonneurs dans cette petite extrémité de France. C'est également dû au  fait de l'absence de réglementation contraignante concernant le bivouac ou l'autorisation des chiens, contrastant ainsi avec les parcs nationaux l'encadrant :  les Ecrins au Nord-Ouest et le Mercantour au Sud. 

En plein été, il faut donc bien choisir son sommet et son accès pour maximiser ses chances de conserver une ambiance sauvage dans ces montagnes d'exception. De nombreux sommets sont pris d'assaut : Pain de Sucre, Pic de Caramantran, Rocca Bianca, Grand Glaiza notamment parce qu'au delà des vues imprenables qu'ils offrent, l'ascension de ces 3000 est relativement courte et/ou simple. Il faut donc se tourner vers d'autres sommets, soit plus escarpés, soit moins connus. On peut citer le Pic de Rochebrune, le Bric Froid, les Crêtes de la Taillante ou notre objectif du jour, le Pic de Foréant. 

Le Pic de Foréant 3081m (ou Pointe des Fonzes) est loin d'être le sommet le plus escarpé du Parc Naturel du Queyras. Mais sa proximité avec le Pic de Caramantran et le Pain de Sucre, deux sommets particulièrement courus, lui fait bénéficier d'une certaine tranquillité alors même que son accès depuis la route du Col Agnel peut être réalisé en une petite demi journée. 

Pour profiter pleinement de ce sommet, de son panorama et de ses environs, on se décide à le gravir par le Vallon de Bouchouse où nichent de nombreux lacs. En choisissant bien son coin bivouac et malgré la présence du Gr58 au niveau du talweg, l'ascension du Pic de Foréant pourra finalement rimer avec quiétude et solitude.

A noter que bien qu'étant situé dans le Parc du Queyras, le Pic de Foréant fait géologiquement partie du Massif d'Escreins, un massif méconnu et souvent confondu avec celui du Queyras, notamment du fait de l'entité administrative du parc l'incluant en grande partie. C'est la Vallée du Guil qui délimite le Massif du Queyras au Nord du Massif d'Escreins au Sud.  A ne pas confondre également avec le Massif des Ecrins situé au Nord du département des Hautes-Alpes.

Pour ne pas trop expédier cette ascension, on décide de partir à l'assaut du Pic de Foréant via le Vallon de Bouchouse qui grimpe depuis les derniers hameaux du Haut-Guil. C'est une longue montée progressive et bucolique qui nous attend sans l'ombre d'une difficulté technique. 

Jour 1 : Du hameau de l'Echalp aux Lacs de l'Eychassier.

Le départ de la randonnée se situe près de l'Echalp, dernier hameau du Haut-Guil appartenant à la commune d'Abriès-Ristolas. Un grand parking bordant le torrent marque le début du Vallon de Bouchouse qui s'élève dans un premier temps dans le mélézin. Ici, pas de problème d'indication, on suit le célèbre Gr58, plutôt à contre-sens des randonneurs qui le parcourent. 

Quelques sommets du Haut-Guil depuis l'Echalp : le Mont Aiguillette à gauche et la Crête de la Taillante à droite.

Après quelques centaines de mètres, on s'extirpe du mélézin en traversant l'Alpage de la Médille. De là, on bénéficie d'une ample vue sur le fond du Haut-Guil. Même le Mont Viso dépasse des crêtes frontalières. Encore faut-il que la nebbia l'autorise à dévoiler sa cime bicéphale.

Sur l'autre versant du Haut-Guil, il ne s'agit ni du Massif du Queyras, ni du Massif d'Escreins. On fait face au Massif des Alpes Cotiennes dont le point culminant est justement le Mont Viso 3841m que l'on observe à droite. Ce massif comble la frontière franco-italienne à l'Est du Parc du Queyras.

Un peu plus au Nord, la Tête de Pelvas 2929m surplombe le Haut-Guil. De l'autre côté de cette chaîne de montagnes on plonge en Italie.

La Crête de la Taillante commence sa métamorphose. Signe que l'on s'approche du premier lac de notre parcours.

Le Lac Égorgéou 2395m marque le début d'une succession de lacs présents dans le Vallon de Bouchouse. Certains étant un peu plus confidentiels que d'autres. Sur la gauche, par exemple, derrière les buttes herbeuses, se cache le Lac Baricle. 

Ci-dessus, on observe donc la Crête de la Taillante à gauche et le Pic de Foréant à droite.

On ne fera que longer le Lac Égorgéou via le Gr58. De toute manière, une grosse partie des pourtours des lacs du Vallon de Bouchouse sont interdits d'accès car en voie de réhabilitation environnementale. En effet, durant des années ce site a vu des flux de touristes et de randonneurs de plus en plus importants. Parfois seulement de passage ou parfois établissant des bivouacs pour la nuit. Face à cela et à la relative exiguïté du vallon, les pentes alentours, les plaines lacustres, les tourbières ou zones alluviales ont souffert de ce tourisme de masse et sont maintenant délimitées pour leur restauration et leur protection. Ainsi, l'amont des deux principaux lacs, Égorgéou et Foréant, font l'objet de restrictions d'accès.

Avec 200m de dénivelés supplémentaires, on atteint un second lac : le Lac Foréant 2618m. Au-dessus de lui, les imposantes dalles claires de la Taillante plongent dans un chaos d'éboulis lui même chutant dans les eaux du lac. Cette rive contraste avec les autres bords du Lac Foréant qui accueillent prairies, gradins herbeux et pentes douces, le tout surveillé par le Pain de Sucre 3208m qui comble le Vallon de Bouchouse.

La Crête de la Taillante 3197m et le Pain de Sucre 3208m depuis le Lac Foréant.

On poursuit notre route en direction du Col Vieux. On se situe toujours sur le Gr58 mais quelques centaines de mètres avant le col, on repèrera un timide cairn marquant le début d'une sente longeant le bas des Crêtes de l'Eychassier.

Ce sentier, bien qu'absent des cartes IGN, est bien visible sur le terrain. Il progresse en balcons dans les alpages au-dessus du Lac Foréant.

Le Pain de Sucre et la nebbia depuis la bifurcation entre le Gr58 et le sentier de l'Eychassier.

Un peu plus au Nord, la nebbia tente également de s'infiltrer en France entre la Tête de Pelvas, le Grand Queyron et le Bric Bouchet.

En quittant le Gr58, on quitte également les foules de randonneurs et de vttistes. On profite du calme des montagnes du Massif d'Escreins. Calme uniquement cassé par les cris des marmottes et les cloches du troupeau de moutons perché sur les pentes un peu plus au Sud.

Avant d'atteindre les Lacs de l'Eychassier, le sentier s'incline davantage. On croise le premier des trois lacs qui composent l'archipel de l'Eychassier. Et déjà, à notre arrivée, l'ombre du Pic de Foréant envahit petit à petit les environs. Avec la présence de l'eau et la tranquillité qu'offre les Lacs de l'Eychassier, on décide de planter notre tente vers les deux plus hauts lacs, à plus de 2850m d'altitude.

En plus du calme des lieux, le fait de s'élever au-dessus du Vallon de Bouchouse nous permet de profiter d'une splendide vue sur les sommets du coin. On a plus qu'à patienter que les changements de luminosité se fassent, d'autant que passé 18h, la nebbia a tendance à s'estomper.

Le Vallon de Bouchouse, ses deux lacs et ses sommets depuis notre bivouac.

Derrière le Mont Aiguillette, le Mont Viso est également visible depuis les Lacs de l'Eychassier.

Le sommet de la Spaveyre 3002m se situe dans la continuité des arêtes du Pic de Foréant en direction du Nord. A gauche de ce sommet, on distingue le Bric Froid 3305m et à droite en arrière-plan la Pointe de Ronce 3612m et la Pointe de Charbonnel 3752m, respectivement dans le Massif du Mont Cenis et celui des Alpes Grées.

Au centre, encadré par le Tête de Pelvas et le Bric Bouchet, un sommet glaciaire apparait : il s'agit du Grand Paradis 4061m.

Entre 20h et 21h, la luminosité de fin de journée change radicalement le paysage . Les montagnes environnantes se parents de teintes jaunes, oranges puis les quelques nuages restant virent au rose. On se cale quelques instants sur un petite crête surplombant les Lacs de l'Eychassier pour profiter de ce dernier spectacle avant la nuit.

Contrairement aux sommets, les lacs sont déjà dans la pénombre, à l'instar du Lac Égorgéou (à gauche) et des Lacs de l'Eychassier (à droite).

Il ne reste plus que le Grand Paradis d'illuminé.

Les nuages clôturent ce spectacle de couleurs et laissent place à la tombée de la nuit. On part s'emmitoufler dans la tente d'autant que le réveil sera rude.

Jour 2 : Ascension du Pic de Foréant et traversée intégrale du Vallon de Bouchouse.

A 5h du matin on lève le camp et on part à l'assaut du Pic de Foréant. Il ne reste que 200m de dénivelés positifs depuis les Lacs de l'Eychassier. Le sentier d'accès suit l'arête qui part du dernier lac au Nord. La montée est radicale et permet de voir le Nord-Est s'enflammer peu à peu pendant l'ascension.

Le panorama se décalque dès le réveil : Taillante, Aiguillette, Viso, Pain de Sucre.

Au Nord, la vue est exceptionnelle. On devine les Alpes jusqu'à la Suisse. Ainsi tout le chaînon frontalier du Mont Rose entre la Suisse et l'Italie ainsi que le Cervin, le Grand Paradis et une partie des Alpes Grées sont visibles depuis l'arête du Pic de Foréant.

Une fois la partie la plus inclinée de l'arête passée, on atterrit sur une faiblesse de la crête d'où nous fait face le cairn sommital du Pic de Foréant. On accélère l'allure, le soleil ne devrait pas tarder à sortir de l'horizon.

En 45 minutes on atteint le sommet du Pic de Foréant 3081m. Bien que l'on domine largement les deux vallons entourant le sommet, on se situe globalement à l'altitude de la plupart des sommets des environs. Ce qui n'empêche pas un superbe panorama notamment au Sud, à l'Ouest et au Nord du Pic de Foréant. L'Est étant majoritairement occupé par la Crête de la Taillante.

L'astre émerge à gauche de la Crête de la Taillante. Avec un léger voile à l'Est, il éclairera dans un premier temps de manière pâle les plus hauts sommets.

Sous le Pain de Sucre, une vague de nuages tente de passer le Col Agnel.

Les Pics de la Font Sancte 3385m, point culminant du Massif d'Escreins, s'attendent à s'embraser de minutes en minutes.

Au Nord, le Grand Queyras 3114m s'impose au premier plan, il sépare le Massif des Ecrins à gauche du Pic de Rochebrune 3320m à droite, point culminant du Massif du Queyras. Juste à côté de ce dernier, on devine la trilogie des Aiguilles d'Arves. 

Malgré la méridionalité du Pic de Foréant au sein de l'Arc Alpin, son altitude permet tout juste d'apercevoir quelques géants du Nord. On a bien sûr cité le Grand Paradis, le Cervin ou encore le sous-massif du Mont Rose. Mais si l'on regarde un peu plus sur la gauche de la photo, un lointain dôme apparait en arrière-plan. C'est le Mont Blanc 4805m qui s'érige à équidistance du Bric Froid et de la Pointe de Ronce.

Après les 4000 du Nord, le soleil vient frapper un à un les sommets des massifs du Queyras, d'Escreins, des Alpes Cotiennes ou encore des Ecrins. On se pose quelques instants pour zieuter l'illumination des cimes avant de poursuivre notre route sur l'arête Sud du Pic de Foréant.

Alors que le Mont de Salsa et le Bric de Rubren tout à gauche sont encore dans l'ombre, la Tête des Toillies, le Brec de Chambeyron, l'Aiguille de Chambeyron, le Péouvou et les Pics de la Font Sancte commencent à scintiller.

La Barre des Ecrins et le Mont Pelvoux raflent la mise alors qu'Ailefroide et le Pic Sans Nom patientent dans l'ombre encore quelques minutes.

Soleil pâle sur le Roi de Pierre et le Pain de Sucre.

Les sommets illuminés : Le Péouvou, la Pointe des Sagnes Longues, les Pics de la Font Sancte, la Pointe des Avers et le Pic des Heuvières.

Voilà qu'une bonne partie du Massif des Ecrins se retrouve maintenant au soleil. Contrairement aux profondes vallées qui devront attendre plusieurs dizaines de minutes avant que les rayons ne les atteignent.

Les principaux sommets du Haut-Ubaye (de gauche à droite) : Mont de Salsa, Bric de Rubren, Rocca Bianca, Tête de Toillies, Brec de Chambeyron, Pic de la Farnéiréta, Aiguille de Chambeyron, Tête de Longet, Péouvou, Pics de la Font Sancte.

A droite, on devine l'observatoire astronomique du Pic de Château Renard perché à plus de 2900m d'altitude.

Vers 7h30, on quitte le sommet du Pic de Foréant 3081m. Au lieu de rechuter sur les Lacs de l'Eychassier par l'arête Nord, on suit l'arête Sud en direction du Col de l'Eychassier. On garde ainsi une vue de part et d'autre de la crête en surplomb du Vallon de Bouchouse et du vallon du Col Agnel.

Sous le sommet, on passe près de deux bouquetins feignant de ne pas nous voir en continuant leur broutage matinal.

On atteint le Col de l'Eychassier 2917m sans grande difficulté. Par moment, le sentier de l'arête se perd dans des éboulis de schistes mais il se retrouve facilement quelques mètres plus loin. 

Au lieu de repartir vers les Lacs de l'Eychassier, on décide de descendre vers la route du Col Agnel, sans toutefois l'atteindre puisque nous bifurquerons quelques instants plus tôt pour partir vers le Col Vieux. Ainsi, nous réaliserons une boucle sur le haut du parcours, autour des Crêtes de l'Eychassier.

La Pain de Sucre 3208m élance sa magnifique forme pyramidale au-dessus des alpages entourant le Refuge du Col Agnel. Sur sa droite, la forme arrondie du Pic d'Asti 3220m fait une brève apparition.

Au Col Vieux 2806m, on refait face aux arêtes acérées de la Taillante. Le Lac Foréant est encore dans l'ombre de ce majestueux sommet et le sera encore à notre passage. Il ne nous reste plus qu'à dévaler l'intégralité du Vallon de Bouchouse entre le Col Vieux et le hameau de l'Echalp.

Tout à gauche, on devine le Pic de Foréant 3081m d'où nous avons contemplé le lever du soleil.

Le Pic de Foréant et son lac.

En traversant à nouveau l'alpage de la Médille, on retrouve le Mont Viso 3841m et le Haut-Guil, sans l'ombre d'un nuage pour l'instant.

Quelques instants plus tard, on met pied dans le fond de vallée. On y aperçoit les typiques baraquements queyrassins du hameau de l'Echalp et le bruyant torrent du Guil. Le tout sous la surveillance de la Tête de Pelvas 2929m. 

La traversée du Guil met un terme à cette randonnée ayant pour point d'orgue l'ascension du Pic de Foréant. La prochaine fois que nous traverserons à nouveau le Vallon de Bouchouse sera peut-être l'occasion de gravir un autre sommet du coin. Il sera nécessairement plus escarpé que le Pic de Foréant mais le panorama en vaudra l'effort. Et pourquoi pas la splendide Crête de la Taillante qui s'avère être randonnable entre le Lac Foréant et le culmen de son arête ? 

ITINÉRAIRE DE LA RANDONNÉE :