- Le Vieux Chaillol 3163m et le Lac de Mal Cros

Publié le 11 juillet 2023 à 13:44

Réalisée le 9-10 juillet 2023

 

En pensant au Parc National des Ecrins on a souvent en mémoire de gigantesques pics inaccessibles pour les randonneurs, ou encore des immenses langues glaciaires et des vallées encaissées d'où dégouline une myriade de cascades. Mais il est un coin dans ce Massif des Ecrins où le décor montagnard diffère. Notamment sur sa partie Sud-Sud-Est, le relief y est moins abrupt, les paysages plus arides. Même si les lacs alpins sont encore présents en nombre, les glaciers ne sont que souvenirs. Aux forêts de basse et moyenne altitude ne succède que le royaume de la roche.

Cette zone du Massif des Ecrins correspond globalement à sa partie appartenant au Gapençais, un arc montagneux s'étendant d'Argentière-la-Bessée à la Vallée du Champsaur. Contrairement au reste du massif, les sommets peinent à dépasser les 3000m d'altitude et la plupart de ces derniers sont relativement faciles d'accès. On peut citer par exemple le Grand Pinier 3117m, la Tête de Vautisse 3156m ou encore l'objectif du jour : le Vieux Chaillol 3163m.

Le Vieux Chaillol, loin d'être le plus haut sommet du Massif des Ecrins, est le plus haut sommet du Gapençais. En plus des Ecrins, le Gapençais prend en compte une partie du Massif du Parpaillon et du Dévoluy. Cette sentinelle de la région est visible depuis toute la zone. A la jonction entre le Valgaudémar, le Champsaur et le Gapençais, le Vieux Chaillol est une randonnée de haute montagne offrant un point de vue exceptionnel tant sur les plaines que sur les massifs environnants. Ce sommet peut être accessible via divers points de départ que ce soit depuis la Vallée du Champoléon, depuis le Valgaudémar ou encore depuis la petite station de Chaillol 1600. C'est cette dernière qui sera choisie. Dans tous les cas, l'ascension vers le Vieux Chaillol n'est pas compliquée techniquement mais peut s'avérer longue avec au moins 1500m de dénivelés positifs. Pour profiter pleinement de cette montagne, l'ascension se déroulera en deux jours avec l'établissement d'un bivouac dans le désert de pierres, environ 400m sous le sommet. Et alors que les premières canicules estivales touchent la France, rien de mieux que de s'échapper en haute montagne pour profiter d'une revivifiante fraicheur.

 

La toponymie étonnante de ce sommet peut se décomposer de deux manières : ''Vieux'' au sens de ''Grand'' alors que ''Chaillol'' fait référence à un lieu caillouteux. Le ''Grand Cailloux'' surplombant le Champsaur devient tout à fait logique lorsque l'on contemple cette cime depuis les vallées.

Pour rejoindre le lieu de départ depuis Grenoble, il faut emprunter la Route Napoléon. Puis, quelques kilomètres avant le Col Bayard et la chute sur Gap, on bifurque en direction de la petite station de Chaillol 1600. On poursuit légèrement en amont de la station en suivant une route carrossable jusqu'au Parking de la Martelière, caché dans la forêt de Mélèzes et de feuillus, à 1700m d'altitude.

 

 

Durant la première partie de l'ascension, le Vieux Chaillol est caché par les crêtes. On se faufile dans ce cirque verdoyant où coule quelques fines lames d'eau. Notre échappatoire se situe au Col de la Pisse, 600m plus haut. A ce niveau là de la randonnée, nous avons le choix entre une montée à droite du cirque ou à gauche de celui ci. Au hasard, on choisira la droite pour l'ascension et en toute logique nous devrions descendre par la gauche.

 

La faiblesse du débit des torrents alliée à la chaleur estivale tiédissent l'eau de ces ruisseaux. De quoi ravir les batraciens des lieux.

 

 

Après quelques lacets en forêts, on poursuit l'ascension vers le col dans de petites vires. On traverse ainsi plusieurs ruisseaux permettant le ravitaillement en eau. L'environnement est luxuriant avec des alpages tapis de fleurs. En fonction de l'altitude, les espèces végétales se substituent les unes après les autres : aux Marguerites, Centaurées et Boutons d'or succèdent les Rhododendrons, les Gentianes bleues, les Orchis et le Myosotis.

 

 

Quelques centaines de mètres avant d'atteindre le Col de la Pisse, la forêt disparait progressivement au profit des alpages et des pierriers. Les sources se tarissent et la chaleur se fait moins lourde. Le géant des lieux ne va pas tarder à apparaitre.

 

La plaine du Gapençais

 

Le Vieux Chaillol depuis le Col de la Pisse 2354m.

 

 

Au niveau du Col de la Pisse, on rejoint le sentier remontant le Vallon du Vaccivier. Au fond de celui-ci, on y trouve le bas Valgaudémar. On entre par la même occasion dans le Parc National des Ecrins. Il nous faut maintenant grimper jusqu'au Col de Côte Longue.

 

On continue grosso modo en direction du sommet, en longeant l'aval des crêtes du Pic du Tourond présent à droite. Les alpages sont de plus en plus concurrencés par les pierriers.

 

Les Gentianes de Clusius.

 

On entre dans le désert du Vieux Chaillol. La flore devient rarissime. On se demande également où est ce que l'on va bien pouvoir planter la tente.

 

Depuis le Col de Côte Longue, le panorama s'ouvre sur le Sud des Ecrins. Au-dessus de la Vallée du Champoléon, on observe quelques sommets iconiques du coin tels que le Grand Pinier, le Mourre Froid ou encore la Grande Autane.

 

 

Après le Col de Côte Longue, on doit atteindre un troisième col, celui de Riou Beyrou. D'étranges constructions humaines datant d'un autre temps sont présentes sur les lieux et nous accompagnent jusqu'au col.

 

 

Une fois au Col de Riou Beyrou 2695m, on se retrouve face à un petit baraquement fait entièrement de pierres. Il s'agit de la Cabane des Parisiens. Celle-ci fait le lien avec les ruines présentes près du sentier. En effet, au cours du XIXème siècle fut construit en ces lieux un canal : le Canal de Malcros. L'objectif de cet ouvrage de haute altitude était de puiser les eaux de fonte du Glacier de Malcros pour irriguer les communes de Chaillol et de Saint-Bonnet, mal desservies en eau à cette époque. Ainsi, le 1874 à 1923, le Canal de Malcros transféra les eaux du bassin du Champoléon vers celui du Champsaur. Mais la rudesse du climat et le besoin d'entretien constant de cet ouvrage a finit pas décourager les habitants de la vallée d'entretenir le canal. Il cessa ainsi de fonctionner et l'eau repris son cours naturel.

 

La Cabane des Parisiens a été construite pour les employés qui entretenaient le Canal de Malcros. Laissée à l'abandon au même moment que le canal, elle fut rénovée à plusieurs reprises dont une dernière fois entre 2004 et 2008 par l'Association Malcros 2818 en partenariat avec le Parc National des Ecrins. Aujourd'hui, la cabane comprend environ 6 places de couchages et peut servir à la fois d'abri d'urgence mais aussi de bivouac pour les quelques aventuriers en quête de tranquillité. L'intérieur est très sommaire avec seulement des planches de bois en guise de couchage. Mais finalement, plus besoin de trouver un lieu pour planter la tente. On se réfugiera dans la Cabane des Parisiens.

 

 

Le soleil est encore haut dans le ciel. On décide donc de poursuivre sur les traces de l'ancien Canal de Malcros. On suit ainsi un large sentier taillé dans la roche traversé par quelques cascades. Sur cette face de la montagne, l'humidité et la végétation reprennent place malgré l'altitude.

 

 

Un petit kilomètre après la Cabane des Parisiens, on rejoint le Lac de Malcros. C'est tout ce qu'il reste du Glacier de Malcros, aujourd'hui disparu. Coincé dans un petit cirque minéral dominé par le Vieux Chaillol et le Pic de Mal Cros, le lac est encore en phase de dégel. Cela n'empêchera pas une rapide baignade pour se rafraichir et se laver.

 

 

De retour sur nos pas, on retrouve la Cabane des Parisiens. On met en place notre couchage. Toujours personne à l'horizon. Après cela, on laisse duvet et sac dans le cabanon de pierre, puis on repart dans le désert du Vieux Chaillol en quête de belles luminosité.

 

Quelques brins de Génépi jonchent le bord du sentier de l'ancien canal. Mais pas question de les cueillir, on se situe dans le Parc National. Non loin, un beau plan d'Eritriche nain, aussi appelé ''Myosotis nain'' ou ''Roi des Alpes''.

 

Rustique, mais confortable.

 

Le Pic du Tourond 2743m. Sur la droite, on aperçoit le sentier venant du Col de la Pisse.

 

Depuis une petite butte séparant la Cabane des Parisiens du Col de Côte Longue, le Sirac 3441m dépasse au loin à gauche. Il s'agit du plus méridional des géants des Ecrins.

 

En regardant de l'autre côté, en direction du Massif du Dévoluy, les développements nuageux et la présence de particules fines laissent apparaitre les stries des rayons du soleil, cisaillant montagnes et vallées.

 

Du Plateau de Bure au Grand Veymont en passant par le duo du Garnesier, le Col des Aiguilles, la Tête de Vachères, le Col du Noyer, le Rocher Rond, la Montagne de Faraut, le Grand Ferrand, la Tête de l'Aupet et la Grande Tête de l'Obiou. La quasi totalité du Massif du Dévoluy est visible depuis les pentes du Vieux Chaillol.

 

Entre l'Obiou et le Grand Veymont, on devine même la pointe sommitale du Mont Aiguille.

 

Contraste de visibilité entre l'Est et l'Ouest. D'un côté centré sur le Grand Ferrand, de l'autre sur les roches rouges du Puy des Pourroys.

 

En retournant quelques instants vers la Cabane des Parisiens, les voisins du coin ont pris possession des lieux. Il profite de la luxuriance des environs pour s'abreuver et brouter.

 

 

Le Bouquetin avait totalement disparu du Massif des Ecrins au cours du XXème siècle du fait de la chasse. Avec la création du parc en 1973, les différentes actions ont mené à sa réintroduction au début des années 1990 dans le secteur du Champsaur. Aujourd'hui, la population d'ongulés dans cette zone du parc atteint plus de 400 individus depuis 2020. Au total, le Parc des Ecrins concentre 600 à 700 bouquetins sur sa superficie. La plupart des individus se situant dans le Valbonnais, le Valgaudémar et le Champsaur. Bref, toute la partie Sud-Est du Parc National des Ecrins. Petit à petit, cet animal colonise le reste du massif, son statut d'espèce protégée sur l'entièreté du territoire français lui permettant un taux de reproduction satisfaisant ainsi qu'une faciliter de migration à travers les massifs alpins. Par comparaison, dans les Alpes françaises on dénombre un peu moins de 10 000 bouquetins.

 

Le nouveau de l'année.

 

Alors que certains ratissent les quelques parcelles de verdure présentes sur les pentes du Vieux Chaillol, d'autres se rapprochent de la Cabane des Parisiens en quête d'un peu sel figé sur les quelques rochers aux abords de la cabane ou sur les restes laissés pas les bipèdes ayant parcouru les lieux.

 

 

Au moment de retourner voir les derniers rayons du soleil au-dessus des Ecrins, l'un d'entre eux se décide à me suivre sur les arêtes séparant la Cabane des Parisiens du Pic du Tourond.

 

Puis, tranquille sur le fil de son arête, il se pose pour contempler lui aussi le coucher du soleil.

 

Les nuages se sont en partie dissipés durant la soirée, laissant l'astre illuminer encore quelques instants les Hautes-Alpes.

 

Dernière lueurs rosées au-dessus du Vieux Chaillol.

 

De même qu'au delà du Pic de Bure.

 

Au moment d'aller se blottir dans notre caverne, les maitres des lieux paissent toujours dans les environs. Peut être nous accompagneront-ils lors de l'ascension du lendemain. En ce qui concerne cette dernière, elle se fera de nuit. Un lever à 3h30 du matin est prévu et un départ à 4h pour grimper jusqu'au sommet et profiter du lever du jour à plus de 3000m. Une heure de randonnée devrait suffire pour relier la Cabane des Parisiens au sommet du Vieux Chaillol.

 

 

Vers 3h45, on met la tête hors de la cabane. Le silence est d'une intensité sans pareille. Pas de vent, un bourdonnement de la vallée quasi inexistant tant la densité de population est faible dans cette région, le ruissellement s'est tu et les Bouquetins sont partis se reposer ailleurs.

Le silence sera seulement brisé par le bruit de nos pas en direction du sommet. Le frontale est primordiale pour divaguer dans les pentes du Vieux Chaillol. Il n'y a pas de sentier officiel, seuls quelques cairns aident à s'ériger jusqu'à la cime du mont.

Comme prévu, en une petite heure on arrive au sommet du Vieux Chaillol 3163m. Il est 5h15 et le jour commence tout juste à pointer le bout de son nez vers l'Est. Encore une heure et le soleil se joindra à nous.

Bon nombre de sommets des Ecrins sont visibles depuis le Vieux Chaillol. Et ils se décalquent parfaitement à l'aube. De la Meije au Sirac en passant par les Rouies, la Grande Ruine, le Dôme et la Barre des Ecrins, le Pic Coolidge, Ailefreoide, le Pic Sans Nom, le Mont Pelvoux, le Pic Jocelme, ou encore les Bans.

 

L'arête dentelée du Sirac 3441m.

 

Le coeur du massif, le coin des géants.

 

De l'autre côté, la préfecture des Hautes-Alpes reste dans la pénombre.

 

Les couleurs deviennent de plus en plus vives à l'Est.

Le Mont Viso 3841m est également visible depuis le Vieux Chaillol.

 

Le Lac de Malcros, plus de 300m en contrebas, n'est pas près d'être sous les rayons du soleil.

 

Le Sirac constituera la dernière barrière avant l'explosion matinale.

 

Du Massif des Ecrins au Massif du Chambeyron, en passant par le Massif du Queyras, d'Escreins et des Alpes Cotiennes.

 

En quelques secondes, le soleil s'extirpe des dents du Sirac et débute son inexorable ascension.

 

En quelques secondes également, les sommets du Dévoluy s'illuminent un à un.

 

La Barre des Ecrins se fait voler la vedette par le Sirac.

 

Le Sud des Alpes se pare de jaune. Au centre, on voit se dresser les Pointes de Rougnoux 3179m alors que sur la gauche du Mont Viso se trouve le Grand Pinier 3117m.

 

L'ombre du Vieux Chaillol recouvre une bonne partie de la Vallée du Champsaur.

 

Vers le Nord, alors que le barrière orientale du Vercors se dissimule dans la brume, on peut profiter d'une vue sur le Massif du Taillefer : Coiro, Rocher du Lac, Grand Armet, Taillefer et Pyramide. Ainsi que sur l'extrémité occidentale du Massif des Ecrins : Pointe de Malhaubert, Rochail, Tête de Clapier Peyron, Tête de la Muraillette, Roche de la Muzelle ou encore Pointe des Arias.

 

Allez-vous repérer le bouquetin curieux qui vient de passer l'arête Ouest du Vieux Chaillol ? Il se confond parmi les blocs illuminés.

 

 

 

Encore quelques minutes de flânerie au sommet du Vieux Chaillol puis il faudra entamer la descente. On fait le plein de fraicheur avant de retourner dans le four des plaines. En bas, on devrait s'approcher des 40 degrés. Là haut, on supporte facilement les gants, le bonnet et la polaire.

 

Sur la photo de gauche, un magnifique plant de Génépi trônant près du sommet du Vieux Chaillol. Malheureusement, la cueillette est toujours interdite...

Panorama des Baisses de Chaillol.

 

Alors que l'on se décide à descendre, la plaine du Gapençais profite des premiers rayons du soleil. Le silence est toujours maitre sur les pentes du Vieux Chaillol. Le vent ne s'est pas levé en même temps que le jour. Seuls quelques cris rauques de Lagopèdes alpins briseront le calme des lieux.

 

Avec la luminosité, évoluer sur le Vieux Chaillol devient beaucoup plus aisé. Face à la faible inclinaison de la pente, on n'a même plus forcément besoin de suivre les cairns à la lettre.

 

Quelques centaines de mètres en amont de la Cabane des Parisiens, on retrouve un troupeau de bouquetins éparpillé sur la montagne (voir en bas à gauche de la photo).

 

Ce jeune bouquetin peine à se débarrasser de son pelage d'hiver.

 

Malgré un soleil déjà bien haut dans le ciel alpin, les Gentianes font la grasse matinée.

 

Le Pic du Tourond et la ville de Gap.

 

 

De retour à la Cabane des Parisiens, on profite une dernière fois de ce cadre minéral d'exception. Toujours personne à l'horizon, comme si la chaleur avait découragé les randonneurs d'arpenter ces montagnes. Encore quelques instants avec les bouquetins puis nous nous en allons retrouver nos congénères.

 

Au milieu du désert du Chaillol.

 

De retour au Col de la Pisse, on s'offre un dernier aperçu sur le Vieux Chaillol, chapeauté cette fois-ci.

 

 

Comme promis, on retraverse le cirque verdoyant sur son versant opposé. Tantôt en balcons, tantôt en lacets, on finit par chuter sur la station de Chaillol 1600.

 

Il n'y a pas véritablement de circuit possible à la journée ou sur deux jours pour grimper au Vieux Chaillol. La présence des différents départs dans de multiples vallées empêche cela. Cependant, il existe un Tour du Vieux Chaillol, variante du Tour des Ecrins et de l'Oisans GR54, qu'il est possible d'effectuer en 4-5 jours d'itinérance entre Vallée du Champsaur, du Valgaudémar et du Champoléon. Plus de 90km auxquels il ne faudra pas hésiter à rajouter l'ascension du Vieux Chaillol, l'emblème du Gapençais.

 


ITINÉRAIRE DE LA RANDONNÉE : 

 

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