- Le Tour du Mont Viso par les sommets (Massif des Alpes Cotiennes/Massif d'Escreins) - 4 Jours

Publié le 10 septembre 2023 à 15:04

Réalisé du 6 au 9 septembre 2023

 

Contempler le Mont Viso est chose aisée dans les Alpes françaises. Que l'on s'élève dans les Alpes du Nord ou celles du Sud, une cime singulière s'érigera au loin dans le paysage : il s'agira du mont italien. Sa proéminence est telle qu'il dépasse de plus de 500m ces proches voisins. La seconde plus haute cime de la région étant l'Aiguille de Chambeyron 3412m située à plusieurs kilomètres du Viso. Il faudra ainsi s'éloigner d'environ 60km pour retrouver des montagnes d'une altitude comparable, notamment dans le Massif des Ecrins, en France. Pourtant, il n'intègre pas le prestigieux club des ''4000 alpins''. Mais son esthétisme tout comme son altitude élevée, 3841m, en font un sommet emblématique de l'Arc Alpin.

Son relief influença grandement sa toponymie. Dès l'Empire Romain on le qualifie de ''Vesulus Pinifer'', c'est-à-dire ''la montagne que l'on voit partout''. Du Mercantour au Mont Blanc, ce mont visible prend rapidement le titre de ''Roi des Alpes du Sud'' voire de ''Re di Pietra'', de ''Roi de Pierre'' pour les Italiens. Pendant de nombreux siècles, on l'a même considéré comme le toit du monde.

Cette montagne semble particulièrement austère et abrupte, voire inaccessible. Il s'agit d'un immense bloc de roches qui se découpe en deux têtes sur sa zone sommitale : le Mont Viso 3841m et le Viso di Vallanta 3781m. Il fait partie de ces montagnes à part entière dans le roman national italien au même titre que le Mont Blanc, Rochemelon ou encore le Cervin. Il est par ailleurs situé totalement en Italie, la ligne frontalière se situant plus au Nord-Ouest, au niveau de la Pointe Gastaldi. Par sa position méridionale et sa proximité avec la plaine du Pô, dont la source se trouve non loin du pied de la montagne, sa cime est souvent prise dans les nuages dès la fin de matinée. C'est le fameux phénomène de Nebbia qui plaque l'humidité de la plaine fluviale italienne vers les Alpes frontalières. Ainsi, tôt le matin et en fin d'après midi sont les moments les plus propices pour admirer ce colosse de pierre.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le Mont Viso ne fait pas partie du Massif du Queyras ou encore du Massif d'Escreins. Malgré sa proximité avec ces derniers, il est le toit de sa propre entité géologique : les Alpes Cotiennes. Il s'agit d'un immense massif, situé en quasi totalité en Italie et dont l'extrémité Nord est marquée par le Val de Suse, le séparant ainsi du Massif du Mont-Cenis et des Alpes Grées. Au Sud, c'est le Val Varaita qui marque sa terminaison pour laisser émerger le Massif du Chambeyron. Sur sa face Ouest, le Massif des Alpes Cotiennes borde le Massif d'Escreins, du Queyras et des Cerces. Alors qu'à l'Est, les Alpes Cotiennes s'évanouissent dans la plaine du Pô.

Quoiqu'il en soit, on ne se laisse pas décourager par les risques de Nebbia et on se prépare à réaliser le tour de cette montagne iconique des Alpes du Sud. Au départ de la Vallée du Guil, en France, le tour du Mont Viso peut se réaliser en seulement 3 jours. Mais il est existe une multitude de variantes pouvant atteindre jusqu'à une dizaine de journées de marche. Le Tour du Viso se confond ainsi par moment avec le GRP du Pain de Sucre ou encore la Via Alpina bleue. En suivant ces différents itinéraires on s'enfonce ainsi dans les massifs environnants, notamment le Queyras, celui d'Escreins et du Chambeyron. Néanmoins, en effectuant ces tours, on s'eloigne de facto du Mont Viso. On se décide donc à rester dans les environs de la pyramide piémontaise, notamment parce que la météo semble idéale dans la région. On suivra en grande partie le tracé officiel tout en s'autorisant quelques variantes. On agrémentera par exemple notre périple de quelques ascensions de sommets entourant la célèbre cime. Ainsi, en plus d'une expédition autour et proche du Mont Viso, on profitera de panoramas à couper le souffle sur les massifs du coin.

 

 

 

Ce tour franco-italien est bien indiqué par les différents panneaux de part et d'autre de la frontière. Un acronyme et un sigle sont même présents : il s'agit du Gran Tour del Viso (- GTV) et d'un blason bleu orné d'une montagne blanche elle-même encerclée par cinq étoiles jaunes, peut-être les 5 vallées s'étirant du Mont Viso : Vallée du Guil, Vallée des Aigues, Val Pellice, Val Pô et Val Varaita.

A gauche, un exemple de panneaux indicatifs sur le GTV.

 

Au-delà d'effectuer le tour d'une des plus célèbres montagnes d'Italie, le GTV est historiquement le plus ancien sentier de randonnée itinérante autour d'un sommet. Sa première réalisation date de juillet 1839 par James David Forbes, un universitaire, physicien et alpiniste écossais. Dans un ouvrage retraçant ses différentes aventures - Life and Letters of James David Forbes - et paru en 1873, on y découvre le tout premier topo du Tour du Viso.

Loin de faire faux-bond à nos amis transalpins, c'est depuis la France que se situe notre départ pour le Gran Tour del Viso, en amont du village de Ristolas, au fin fond du Parc Naturel Régional du Queyras. Une fois au village, on roule encore quelques kilomètres en remontant le Guil jusqu'au Parking de la Roche Ecroulée. De là, nous progresserons à l'aide de nos jambes pour rejoindre le Mont Viso.

 

Jour 1 : De la Roche Ecroulée au Lago Superiore.

 

Après avoir garé la voiture aux alentours de 1800m d'altitude, on continue notre remontée du Guil sur quelques kilomètres encore, coincés entre le Massif d'Escreins à notre droite et le Massif des Alpes Cotiennes à notre gauche. On pénètre ainsi dans la Réserve Naturelle de Ristolas-Mont Viso. Malgré la fin de la période estivale, l'environnement y est encore luxuriant dans le mélézin et les alpages. On profite de la végétation avant de s'échapper vers le monde minéral.

 

Dès que la forêt commence à être clairsemée, le Mont Viso s'impose dans le paysage.

 

Elle est tout aussi subjuguée par la beauté de la montagne.

 

 

Au niveau du Grand Belvédère du Viso, vers 2100m d'altitude, on quitte le fil de la Vallée du Guil pour s'aventurer dans les gradins herbeux marquant les premières pentes des Alpes Cotiennes. On contemple ainsi en face les Crêtes de la Taillante, une des plus orientales cimes du Massif d'Escreins. On se dirige vers le Col de la Traversette, notre porte d'entrée pour l'Italie.

 

On observe de loin le Refuge du Viso bénéficiant d'un magnifique panorama sur la Haute Vallée du Guil et le Mont Viso. A gauche de ce dernier, la Pointe Gastaldi 3214m et à droite la Pointe Joanne 3054m. Au centre, le Col de Valante, l'autre porte d'entrée vers l'Italie, si on décide d'effectuer le Tour du Viso dans le sens inverse.

 

Le Mont Viso se fait de plus en plus discret au fur et à mesure de notre ascension. Alors que la barrière orientale du Massif d'Escreins, elle, se fait de plus en plus imposante, ici de la Pointe Joanne au Mont Aiguillette.

 

Quelques bouquetins nous ouvrent le passage en direction du Col de la Traversette.

 

Les alpages rétrécissent au profit des pierriers. Face à nous, le Col de la Traversette sur la gauche et la Pointe de Marte 3153m au centre.

 

 

Le Col de la Traversette 2947m (- Colle delle Traversette) marque la frontière entre la France et l'Italie, entre les Hautes-Alpes et le Piémont. On retrouve le Mont Viso et l'un de ses petits frères, le Viso Mozzo 3019m. De là haut, on domine le Val Pô qui doit son nom à la présence de la source du plus grand fleuve d'Italie, le Pô. Ce dernier démarre sa course au pied du Mont Viso, traverse l'entièreté du Nord de la botte italienne pour finalement se jeter dans la Mer Adriatique. Cette plaine fluviale, donc humide, et sa position méridionale sont les raisons de la présence quasi constante de bancs de nuages, plus ou moins importants en fonction des jours. L'humidité et la chaleur de la plaine se fracassent sur les pentes abruptes et fraiches des Alpes Cotiennes créant la plupart du temps une nappe de nuages.

 

La Nebbia touche principalement les Alpes italiennes mais peut par moment déborder sur les Alpes frontalières, du côté français. Ce phénomène climatique est présent environ 1 jour sur 3 et peu vite compliquer les diverses ascensions ou traversées de la région. Les plus fortes intensités s'étalent sur une plage horaire allant de 10h à 18h, lorsque le soleil chauffe le plus. Ainsi, la Nebbia peut fortement impacter un Tour du Viso. Par chance, en ce premier jour, on se contentera de quelques plaques de nuages en fond de vallée.

 

 

Depuis le Col de la Traversette, on part à l'assaut de notre premier sommet : la Pointe de Marte 3153m. Le sentier semble plutôt bien visible depuis le col avec des points de marquage jaunes en direction de la cime.

 

La première partie de l'ascension comprend un éboulis. Dès les premiers mètres, on aperçoit les principaux sommets des Ecrins surgir à droite des Crêtes de la Taillante : Sirac, Ailefroide, Mont Pelvoux, Barre des Ecrins ou encore Montagne des Agneaux. Un peu plus à droite, on devine également les Aiguilles d'Arves coincées entre le Petit Rochebrune et le Grand Glaiza.

 

Après l'éboulis, on met les mains sur quelques mètres pour s'élever sur l'arête Nord de la Pointe de Marte. On suit grosso modo le fil de l'arête, bien aérien par moment. Puis, on atteint la croix sommitale et le splendide panorama.

 

Encore quelques dizaines de mètres avant la cime de la Pointe de Marte.

 

Depuis la Pointe de Marte 3153m (- Rocce Fourioun), on fait face au Mont Viso et à sa face Nord encore légèrement saupoudrée de neige par les orages des dernières semaines.

 

Le duo du Viso : le Mont Viso et le Viso di Vallanta.

 

Au Nord, le Monte Granero 3170m et le Monte Meidassa 3105m composent le centre de la photo. Au delà, on devine une multitude de sommets glaciaires, notamment ceux de la Vanoise, le Mont Blanc, le Grand Paradis ou encore le sous-massif du Mont Rose.

 

Zoom sur les Alpes du Nord : on devine le Grand Paradis à droite du Monte Granero. Au centre, on reconnait subtilement la forme pyramidale du Cervin. S'en suit les masses glaciaires du Mont Rose. Derrière, c'est la Suisse.

 

De retour au Col de la Traversette, on rebrousse chemin sur quelques dizaines de mètres pour retraverser la frontière, mais d'une façon un peu plus originale que par le passage d'un col.

Un peu avant de franchir les 2900m d'altitude, on passe aux abords d'un tunnel. Il s'agit du Tunnel de la Traversette, aussi appelé Pertuis du Viso. C'est un passage transfrontalier creusé au coeur de la montagne et créé de 1479 à 1480 via un accord entre le Marquis de Saluzzo Louis II, le Roi de France Louis XI et le Roi René Seigneur de Provence. Son but ? Faciliter le commerce de part et d'autre de la frontière, notamment entre Marseille, Grenoble et la Plaine du Pô. Cette percée permettait d'éviter le Duché de Savoie et le Col du Mont-Cenis et constitue ainsi le premier tunnel transfrontalier des Alpes.

Long d'environ 75m de long et haut d'environ 2,5m maximum, il était fait exclusivement pour le passage des hommes et de leurs mulets. Au delà du commerce durant le Moyen-Age, le Tunnel de la Traversette servit également de lieu de transit pour les migrations saisonnières et la contrebande jusqu'au milieu des années 1950. Aujourd'hui, seuls les randonneurs traversent cet ouvrage de haute altitude.

 

De l'autre côté du Tunnel de la Traversette, on débouche donc dans le Val Pô. On chute de quelques centaines de mètres pour partir ensuite à l'horizontale en direction du Rifugio Vitale Giacoletti. Certes, il va nous falloir remonter par moment, mais cette variante du Tour du Viso nous permet d'éviter de trop redescendre en direction du Pian del Rey. On reste ainsi dans un environnement purement montagnard, à la recherche de notre premier bivouac autour du Mont Viso.

 

Le Rifugio Vitale Giacoletti

 

L'ombre de la muraille alpine séparant la France de l'Italie commence à se répandre sur le versant oriental. On se fixe comme objectif de bivouac les quelques lacs qui parsèment les alpages en contrebas du Rifugio Giacoletti. On doit quitter les immenses pierriers pour retrouver le terrain meuble des alpages et les sources qui s'y écoulent.

 

Le Viso Mozzo se fait happer par l'ombre du Viso.

 

 

On se décide à bivouaquer au bord du Lago Superiore, le plus haut et le plus grand lac des environs. C'est aux alentours des 2300m d'altitude que nous plantons pour la première fois notre tente sur le Tour du Viso. Personne dans les parages, peu voire pas de vent, de quoi profiter des montagnes qui se reflètent dans les eaux du lac et des derniers rayons sur le Mont Viso.

 

On troublera ces eaux paisibles le temps d'une douche bien fraiche. On ira ensuite déguster nos premiers lyophilisés face à un Viso qui rosit peu à peu.

 

 

 

 

 

A la nuit tombée, le ciel alpin nous réserve une dernière surprise avant que l'on entame notre première nuit de bivouac.

La Voie Lactée s'étalant au-dessus du Mont Viso.

 

Jour 2 : Du Lago Superiore au Laghi Bulè.

 

Aujourd'hui on pique plein Sud pour aller tâter l'extrémité méridionale du Parco Naturale del Monviso. On alternera alpages et pierriers et nous frôlerons la face Est du géant. Cette traversée nous amènera vers une multitude de lacs, îlots de fraîcheur contrastant avec les températures caniculaires et les alpages grillés par l'aridité estivale.

 

 

 

 

 

Nos réveils seront dictés par une sonnerie vers 6h du matin. De quoi déjeuner tranquillement et profiter du lever du soleil qui s'établit un peu avant 7h en ce moment.

Aux premières lueurs, on s'échappe rapidement de nos duvets et de notre tente pour se rapprocher du Lago Superiore. L'absence de vent nous permet une nouvelle fois de profiter du Viso en double !

 

Après quelques minutes contemplatives, on se met en marche. On doit alors relier le Colle del Viso, premier objectif de cette deuxième journée qui s'annonce tout aussi ensoleillée que la précédente.

 

Depuis le lac on aperçoit le large Colle del Viso séparant le Mont Viso du Viso Mozzo.

 

Le Val Pô baigné par le soleil.

 

Avant de traverser les pierriers comblant la base Est du Mont Viso, on passe quelques instants dans des alpages où se nichent quelques lacs. Lac dont la couleur peut paraitre étonnante.

 

En amont du Lago Chiaretto.

 

 

 

 

 

 

 

 

On passe d'abord sous le Visolotto 3348m. Dans le prolongement de sa cime, on peut apercevoir le petit Bivacco Falchi Villata et sa coque rose qui se détache dans l'ombre du couloir. Le voyez-vous ?

 

De l'autre côté du Colle del Viso, on surplombe le Lago Grande di Viso. Sur la gauche, on aperçoit le Rifugio Quintino Sella. Mais pour bénéficier d'une plus ample vue sur les environs et sur la face Est du Mont Viso, on se décide à gravir les 350 mètres de dénivelés qui séparent le Colle del Viso du Viso Mozzo 3019m.

 

Le Mont Viso depuis le Colle del Viso.

 

L'ascension du Viso Mozzo se fait sans difficultés. Le sentier est bien indiqué par de nombreux cairns et slalome entre les blocs de roches jusqu'à la cime.

 

 

En une petite heure, on relie le sommet du Viso Mozzo 3019m. Encore une fois, le panorama est exceptionnel au Sud, au Nord et à l'Est. L'Ouest est bouchée par l'imposant Mont Viso qui nous surplombe de plus de 800m.

 

Vers le Nord, même si la muraille franco-italienne cache les massifs français, les Alpes frontalières sont encore bien visibles : Mont-Cenis, Alpes Grées, Alpes Pennines.

 

Au Sud, on découvre le Massif du Mercantour-Argentera et les Alpes Ligures. Sur la gauche, les alpages que nous traverserons dans l'après midi pour nous rendre à notre second coin bivouac.

 

L'étonnante croix sommitale du Viso Mozzo et la pyramide du Mont Viso. Jamais nous ne serons aussi près du Roi de Pierre.

 

Sur le versant Nord du Viso Mozzo, on surplombe les alpages clairsemés de lacs : le Lago Chiaretto tout en bas suivi du Lago Fiorenza tout à droite. Un peu plus haut, on aperçoit brièvement le Lago Lausetto et le Lago Superiore où nous avons bivouaqué.

 

 

Par le même itinéraire on rejoint le Colle del Viso avant de poursuivre notre route vers le Sud. On passe aux abords du Rifugio Quintino Sella al Monviso perché à 2640m et on profite de sa source pour casser la croûte. Ce refuge est le plus important de la région et peut servir d'intermédiaire lors d'une ascension du Mont Viso. A ne pas confondre avec le Rifugio Quintino Sella al Felik dans le Mont Rose.

Ce refuge porte le nom d'un des premiers alpinistes ayant gravi le Mont Viso en 1863, deux ans après la toute première ascension de la montagne par William Mathews et sa cordée. A la suite de cette ascension, Quintino Sella et ses coéquipiers guides du Val Varaita créeront le puissant CAI (- Club Alpino Italiano) à Turin.

 

Le Rifugio Quintino Sella, le Mont Viso et le Lago Grande di Viso.

 

 

Après le refuge, on traverse une multitude d'alpages. On quitte ainsi les vastes pierriers pour des terrains moins hostiles. On part ainsi à la recherche du Rifugio Alpetto et son lac pour ensuite alterner successivement petites montées et petites descentes, toujours en direction du Sud, vers notre second lieu bivouac.

En se dirigeant vers le Rifugio Alpetto, on quitte le Grand Tour du Viso (- GTV). Les randonneurs se font rares et on profite de la tranquillité des lieux. Seuls les quelques vaches et moutons croisés sur notre route casseront le silence dans ces montagnes.

 

Le Lago della Pellegrina.

 

Le Lago di Alpetto et son refuge éponyme (sur la gauche). La suite de la journée consistera à grimper le petit col sur la droite de la photo.

 

En s'éloignant, le Mont Viso retrouve sa deuxième tête, le Viso di Vallanta. Au fur et à mesure que l'on découvre la face Sud de la montagne, la neige disparait peu à peu du paysage.

 

 

Une fois le col franchi, on devine notre coin bivouac. Un petit lac se cache derrière la paroi ombragée sur la moitié droite de la photo. A gauche, la Punta Rasciassa 2664m. Il nous faut donc encore redescendre quelques centaines de mètres pour ensuite gravir le versant opposé. Malgré l'heure avancée, la chaleur se fait encore intense sur les alpages piémontais.

 

 

 

 

Le laidron des monts.

 

 

 

A notre arrivée au Laghi Bulè, toujours personne dans les environs. Il faut dire que nous sommes totalement sortis des principaux sentiers balisés et qu'il s'agit d'un cul-de-sac. Et même si le Mont Viso sera absent du paysage le temps d'une soirée et d'une nuit, le cirque mi-herbeux, mi-rocheux au sein duquel le petit lac s'est blotti est d'une sauvageté sans pareille.

L'ombre grandit sur le flanc Nord de la Punta Rasciassa.

 

La source alimentant le Laghi Bulè semble s'être tarie en ce début septembre. La température relativement élevée de ces eaux permet de profiter d'une douche au milieu d'un cadre montagnard d'exception. Même si l'on doit se dépêcher avant que le soleil ne passe de l'autre côté de la chaîne qui nous surplombe. Notre position ne nous permet pas de profiter des dernières lueurs avant le crépuscule. Qu'importe, on se rattrapera pour le lever du soleil !

 

Jour 3 : Du Laghi Bulè au Bivacco Bertoglio.

 

Une nouvelle fois, le soleil se lève au-dessus des Alpes italiennes. On se prépare à cuire de nouveau en traversant les alpages. On se lève tranquillement, on remballe la tente et on se pétrit de crème solaire alors que le soleil, lui, débute son inexorable ascension.

 

La Cima delle Lobbie, à gauche, s'embrase de bon matin.

 

 

Comme dit précédemment, accéder au Laghi Bulè conduit à une impasse. Cependant, un peu moins de 200m au-dessus de ce lac passe le sentier que nous sommes censés emprunter par la suite. Une partie de hors-sentier semble faisable entre le lac et le sentier, il ne s'agit que d'alpages et de petits pierriers peu abrupts. D'autant que la visibilité est excellente.

On se dirige donc à vue en direction de ce sentier. Une fois sur ce dernier, on se permettra un crochet en direction de la Punta Rasciassa. On file donc une nouvelle fois vers le Sud pour gravir notre troisième sommet, le plus méridional d'entre-eux.

 

On quitte la quiétude des alpages du Laghi Bulè.

 

Dès les premières hauteurs, le Mont Viso ressurgit dans le paysage.

 

Une fois au Colle di Luca, on a une vue dégagée sur le Massif du Mercantour-Argentera et des Alpes Ligures. Sur la droite, on observe la crête dentelée du Monte Argentera 3297m, le point culminant du massif portant son nom. De même, on devine la Cime du Gelas 3143m, le point culminant du Mercantour français.

 

 

Les dernières centaines de mètres en direction de la Punta Rasciassa 2664m sont assez raides. En peu de temps, un nouveau massif fait son apparition dans le paysage : le Massif du Chambeyron, dont on commence à apercevoir les principaux sommets. Sur les coups des 10h, nous touchons la croix sommitale. De nouveau sans Nebbia, un sublime 360 s'offre à nous.

 

La rocailleuse face Sud du Mont Viso et ses strates de roches. Tout à gauche, on observe la Cima delle Lobbie 3015m et légèrement à droite, le Viso Mozzo 3019m.

 

En direction du Massif du Chambeyron : au centre on peut deviner la cime rectangulaire du Brec de Chambeyron 3389m et à sa droite l'Aiguille de Chambeyron 3412m, point culminant du massif. Quasiment tout à gauche, il s'agit de la Tête de Moïse 3104m (- Monte Oronaye).

 

Au Nord et à l'Est l'immensité des Alpes et de la Plaine du Pô. Jusqu'à la Suisse, les sommets s'érigent au-dessus de la chape de pollution dans laquelle est recouverte une bonne partie de l'Italie du Nord et notamment la ville de Turin.

 

Vers le Mercantour-Argentera. Derrière, la mer !

 

On revient sur nos pas pendant quelques centaines de mètres pour rejoindre le sentier que nous avions quitté en nous rendant à la Punta Rasciassa. On file maintenant vers le Nord pour relier le Colle Gallarino et ainsi remettre pied sur le GTV. On traverse les alpages tout en s'élevant légèrement. A notre droite, une nouvelle muraille bouche la vue vers l'Ouest, celle dominée par la Cima delle Lobbie 3015m.

 

La Nebbia réussira-t-elle une percée aujourd'hui ? Suspense !

 

De retour au Colle di Luca.

 

La chaleur est de nouveau intense en montagne, accentuée par l'absence de vent. On profite du Lago Gallarino pour se rafraichir et manger un bout.

 

Le Lago Gallarino. La Nebbia s'intensifie légèrement sur la partie Sud du massif. Mais on reste sur le développement de cumulus orographiques et inoffensifs.

 

Au Colle Gallarino, on aperçoit pour la dernière fois le Lago Grande di Viso et le Rifugio Quintino Sella au loin. On s'apprête à obliquer vers l'Ouest et passer sur l'autre versant du massif.

 

La barrière de roches, dominée par la Cima delle Lobbie.

 

 

Le Passo di San Chiaffredo nous permet de franchir cette barrière de roches. On se retrouve de nouveau face à un petit vallon parsemé de petits lacs.

Au niveau du col, un choix va devoir être fait concernant le sommet que nous comptons gravir par la suite. Ce choix déterminera notre lieu de bivouac. Soit nous partons vers la gauche pour gravir la Punta Malta 2995m en aller retour et ensuite atteindre le Bivacco Bertoglio pour y passer la nuit, soit nous partons vers la droite et les raides pierriers nous menant vers la Punta Dante 3166m pour basculer de l'autre côté et dormir dans l'un des deux bivouacs italiens présents dans l'autre vallon : le Bivacco Boarelli ou le Bivacco Berardo, tous deux positionnés sur la voie normale du Mont Viso.

En l'absence de marquage clair et au vu du caractère abrupt des pierriers, on se résout à abandonner la Punta Dante. Nous partons donc à l'assaut de la Punta Malta. Nous ne sommes pas pressés, le Bivacco du soir est à deux pas du Passo di San Chiaffredo.

 

 

Rapidement, on s'élève dans les pierriers qui nous mènent sur l'arête Est de la Punta Malta. Quelques cumulus commencent à titiller les cimes mais ils sont loin de virer à l'orage. Le Mont Viso est d'ailleurs encore bien visible vers le Nord.

 

 

Plus l'on progresse, plus l'arête devient aérienne sans être dangereuse pour autant. On évolue au milieu des blocs puis on met brièvement les mains pour atteindre la modeste croix sommitale de la Punta Malta 2995m. Malgré les bourgeonnements nuageux, on profite de la relative fraicheur du sommet alors que les cumulus dansent autour de nous.

 

En direction de la Punta Rasciassa, sommet que nous avons gravi dans la matinée.

 

Petite croix, grand sommet.

 

La Cima delle Lobbie 3015m est dans la tourmente.

 

 

Une fois n'est pas coutume, on revient sur nos pas jusqu'au Passo di San Chiaffredo. De là, on continue notre route vers l'Ouest en longeant les quelques lacs du vallon. On s'échappera ensuite du GTV pour grimper une petite butte où est niché le Bivacco Bertoglio. Pourvu que personne n'ait pris possession des lieux !

 

Près du Lago Bertin, sous la Punta Dante 3166m.

 

 

Perché sur son promontoire rocheux à plus de 2700m, le Bivacco Bertoglio surplombe un cirque rocheux à l'Est et le Vallone di Vallanta à l'Ouest. Il est composé de 9 couchages avec matelas, couettes et couvertures, pas plus, pas moins. Légèrement à l'écart du Grand Tour du Viso, il permet aux randonneurs qui le souhaitent de bénéficier d'un abri confortable pour la nuit, le tout dans un cadre d'exception.

Effectuer une randonnée itinérante dans les Alpes italiennes sans passer une nuit dans un Bivacco était quelque chose de peu envisageable. Au-delà du confort qu'ils procurent, ces petits baraquements sont souvent positionnés dans des lieux calmes, sauvages et offrant de beaux points de vue. Parfois dans des endroits escarpés, peu connus ou tout simplement cachés dans les montagnes, les bivouacs italiens sont pleins de secrets. Alors que les Alpes italiennes et frontalières en sont truffées, quelques recherches préalables à la randonnée permettent de dénicher ces petits palaces alpins. Ils peuvent se révéler être une magnifique alternative à une nuit en tente ou en refuge gardé.

A notre arrivée, personne n'a pris place dans le Bivacco. On décide donc de s'installer et de se préparer à notre quête avant de définitivement se poser près de ces murs : aller chercher de l'eau. Il n'y a pas véritablement de source à proximité directe du Bivacco. Il faut aller se réapprovisionner dans le Lago del Prete, coincé légèrement en contrebas entre la petite butte du Bivacco et la Rocce Meano. Par la même occasion, la Nebbia tend à s'estomper progressivement.

 

Sculpture de roche près du bivacco : le chien de Bertoglio.

 

 

Magnifiquement bien placés en montagne, les bivouacs italiens sont souvent les lieux parfaits pour apercevoir la faune locale. A l'image de cette hermine, curieuse et déterminée à observer ses nouveaux voisins. Dans la soirée, c'est un gros bouquetin mâle qui viendra brouter dans les environs du bivouac.

 

Le soleil termine sa chute près de la Tête des Toillies.

 

Le crépuscule laisse apparaitre petit à petit les étoiles dans le ciel alpin. On se laisse tenter par quelques minutes de contemplation alors que la Voie Lactée se dévoile peu à peu.

 

 

Jour 4 : Du Bivacco Bertoglio à la Roche Ecroulée.

 

Le rituel matinal consiste à se lever aux alentours de 6h du matin pour profiter du lever du soleil au milieu du sauvage. Ce matin-là, nous cassons légèrement notre routine alpine car loin d'être seuls, quelques bouquetins se joignent à nous dès l'aube.

 

 

Cette fois, nous sommes bien positionnés pour apprécier les premiers rayons frapper les versants orientaux des montagnes frontalières. Face à nous, le Massif du Chambeyron se pare de rose puis de jaune.

 

 

En cette quatrième journée près du Viso, on démarrera par une franche descente en direction du Vallone di Vallanta. On plonge de plus de 700m jusqu'à traverser le Torrent de Vallante au niveau des Granges Gheit. On passe de la haute montagne à la moyenne et on retrouve les forêts et les alpages ainsi qu'un semblant de vie.

 

 

Une fois notre descension terminée, au niveau du talweg du vallon vers 2000m. On commence à le remonter progressivement et tranquillement. On alterne passages ombragés et passages ensoleillés et petit à petit le Viso se dévoile sous un autre angle, une nouvelle fois. D'abord, c'est le Viso di Vallanta qui apparait, puis en s'approchant du Rifugio Vallanta, on sera littéralement écrasés par la masse rocheuse du Mont Viso.

 

Près du Rifugio Vallanta, la Punta Gastaldi et le Visolotto s'imposent au fond du vallon.

 

Nous n'irons pas jusqu'au Rifugio Vallanta, bien que le GTV officiel y fasse escale. Nous bifurquerons quelques centaines de mètres avant pour partir dans les pentes herbeuses du Colle Losetta.

 

Petit regard en arrière sur le Vallone di Vallanta.

 

Non loin de la frontière, quelques ruines d'un passé belliqueux entre l'Italie et la France s'érigent sur les bords du sentiers.

 

 

Au Colle Losetta 2872m, on domine à la fois le Vallone di Vallante et la Valle di Soustra que l'on aperçoit ci-dessus. Au fin fond de celle-ci, on peut rejoindre la route menant au Col Agnel. Mais pas question pour nous de nous y aventurer. On continue notre ascension en direction de notre ultime sommet : le Monte Losetta 3054m (- Pointe Joanne).

 

Bien que l'on prenne de l'altitude, le Mont Viso s'impose toujours autant dans le paysage.

 

La Pointe Joanne 3054m est facilement accessible notamment depuis son versant italien. Par sa proximité avec le Roi des Alpes du Sud et sa position sur la ligne frontalière, le panorama depuis sa cime est un des plus beaux de la région. On y apercevrait presque les alpinistes atteignant la croix sommitale du Mont Viso.

 

Au Nord la Vallée du Guil délimite les Massifs d'Escreins (à gauche) et des Alpes Cotiennes (à droite). Quelques sommets de gauche à droite : Pic d'Asti, Pain de Sucre, Monte Aiguillette, Crêtes de la Taillante, Pic de Rochebrune, Petit Rochebrune, Grand Glaiza, Bric Froid, Barre des Ecrins, Aiguilles d'Arves, Mont Blanc, Pointe de Marte, Pointe de Venise, Pointe d'Udine, Mont Rose, Pointe de Rome.

 

Entre la Valle di Soustra et la Vallée du Guil.

 

De gauche à droite : Pointe Joanne, Pointe Gastaldi, Visolotto, Mont Viso, Viso di Vallanta, Punta Corsica, Punta Caprera.

 

Sur la photo de gauche, on surplombe de 500m le Lac Lestio. Il s'agit de la source du Guil. A droite, on domine le Vallon de Valante.

 

En direction du Massif du Chambeyron et d'Escreins : Brec de Chambeyron, Mont de Salsa, Bric de Rubren, Péouvou, Tête des Toillies, Rocca Bianca, Pic de Caramantran, Pic d'Asti, Pain de Sucre, Mont Aiguillette, Crêtes de la Taillante, Pic de Rochebrune.

 

L'ascension de la Pointe Joanne marque la terminaison de notre escapade en Italie. On s'apprête à basculer côté français en descendant le raide pierrier sous la croix de la Pointe Joanne. Bien qu'aucunement indiqué par la signalétique, on perçoit facilement les petits lacets qui zigzaguent dans le pierrier. Bonjour la France, ciao l'Italie !

 

Le colosse de pierres.

 

De retour aux abords du Guil, le Viso est toujours au rendez-vous derrière le Col de Valante.

 

 

La dernière partie du périple consiste à suivre le Guil. D'abord dans les vastes steppes puis dans le mélézin. Seuls le vrombissement du torrent et les quelques cris des marmottes du coin briseront le silence sur nos derniers kilomètres jusqu'à la Roche Ecroulée.

 

Dernier clin d'oeil au Mont Visible. Véritable phare de la région.

 

Cette soixantaine de kilomètres autour du Mont Viso 3841m aura été exceptionnelle sur de nombreux points : très peu de monde sur les sentiers, un temps magnifique tout au long du périple, des points de vue inédits sur ce massif et cette montagne et de splendides coins bivouac.

Ce tour, à cheval entre deux nations, nous permet de découvrir toutes les facettes de cette montagne emblématique des Alpes du Sud. On traverse des milieux et des paysages très variés : alpages, forêts, lacs, pierriers, tout y passe mis à part l'environnement glaciaire, du fait de sa position méridionale dans l'Arc Alpin.

En bref, il fut souvent contemplé de loin, attirant notre regard depuis de nombreuses années. Nous étions ces jours-ci à ses pieds à effectuer son tour dans des conditions plus qu'idéales. Loin de nous avoir révélé tous ses secrets, nous retournerons à coup sûr près de ce Cervin piémontais. Et peut-être même, un jour, irons-nous jusqu'à la cime du Géant des Cotiennes.

 

Tour du Mont Viso 2023.


ITINÉRAIRE DE LA RANDONNÉE :

 

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