- La Rocca Bianca 3059m en traversée depuis le Col de Longet

Publié le 19 avril 2023 à 14:06

Réalisée du 16 au 18 avril 2023

 

Peu de neige cette année dans les Alpes françaises. L'hiver météorologique n'a pris fin il n'y a seulement que quelques jours, et pourtant les premiers cols routiers du Sud de l'Arc Alpin sont sur le point de rouvrir à la circulation. Cayolle, Allos, Bonnette vont voir les premiers véhicules parcourir la Route des Grandes Alpes et les marmottes des environs n'auront même pas eu le temps de se réveiller tranquillement qu'elles seront de suite photographiées en long, en large et en travers par les touristes et les locaux reliant les différentes vallées alpines.

Le manque de neige rend également accessible de manière précoce nombre d'endroits dans les Alpes. Même à haute altitude. C'est pourquoi on s'autorise à aller tâter les cimes des Alpes en cette mi-avril. On laisse de côté la moyenne montagne, notre terrain de jeu pendant l'hiver, pour nous rendre près des plus hauts sommets des Alpes du Sud, à la jonction entre le Dauphiné et la Provence. Coincée entre les Hautes-Alpes au Nord, et les Alpes Maritimes au Sud, une vallée particulièrement sauvage forme la corne du département des Alpes de Haute Provence. Il s'agit de la Vallée de l'Ubaye. Région qui permet également à ce département de toucher du doigt le Piémont italien.

La Vallée de l'Ubaye, du nom de la rivière qui coule en son talweg, s'étend du Lac de Serre Ponçon jusqu'à la frontière franco-italienne, au niveau du Col de Longet. Cette vallée est très peu peuplée, la ville principale étant Barcelonnette. Ensuite, il ne s'agira que de petits villages, notamment dans sa partie haute. Depuis son rattachement à la France en 1713 (Traité d'Utrecht), cette vallée, à l'écart des grandes agglomérations, a connu un exode rural massif depuis la première révolution industrielle en passant d'à peu près 18 000 habitants au XVIIIème siècle à un peu plus de 7000 actuellement.

Ce dépeuplement a laissé la vallée authentique et sauvage. Les interférences humaines se sont cantonnées à l'activité pastorale. Même l'industrie du ski ne s'est pas massivement implantée dans cette région. Ainsi, le randonneur en quête de grands espaces ne peut qu'apprécier la Vallée de l'Ubaye. Même le Queyras, pourtant juste à côté et réputé pour son caractère sauvage, ne rivalise en rien avec cette vallée, notamment sa partie haute. C'est d'ailleurs vers cette dernière que nous nous rendons, près du village de Saint-Paul en Ubaye, le plus haut du département des Alpes de Haute Provence et le plus oriental avant l'Italie.

Pour accéder à la Haute Vallée de l'Ubaye, il n'y a pas quinze mille solutions. Soit on y accède par la ville de Barcelonnette, soit on y plonge en passant le Col de Vars depuis Guillestre. Ce col a l'avantage d'être ouvert toute l'année, même en période hivernale (hors épisodes neigeux importants). Une fois dans le petit village de Saint-Paul en Ubaye, on peut encore s'enfoncer dans la haute vallée en direction des quelques hameaux qui parsèment le territoire communal. Le dernier, le hameau de Maljasset, constituera le départ de notre randonnée.

Coincée entre le Massif du Chambeyron au Sud, et le Massif d'Escreins au Nord, la Haute Vallée de l'Ubaye file vers l'Est en direction de l'Italie. C'est justement l'objectif de notre première journée : atteindre la frontière italienne au niveau du Col de Longet et passer la nuit dans le Bivacco Enrico Olivero situé à plus de 2600m d'altitude. En cette première journée, le dénivelé ne sera pas important avec environ 800m de D+. Cependant, entre Maljasset et le Col de Longet, c'est pas moins de 12,5km qu'il faut avaler pour relier l'Italie. Bien que facile d'accès, cette vallée peut vite paraitre interminable, tant à la montée qu'à la descente. Il faut environ 4h pour atteindre le Col de Longet.

 

Jour 1 : De Maljasset au Col de Longet (Bivacco Enrico Olivero) 

 

En direction du Vallon de Mary (Massif du Chambeyron). L'Aiguille Pierre André 2812m apparait tout à droite.

 

Maljasset est situé à 1900m d'altitude. Que ce soit au Sud ou au Nord, les pics dépassent allègrement les 3000m d'altitude. Ce hameau se situe d'ailleurs non loin de deux géants : l'Aiguille du Chambeyron 3412m (point culminant du massif éponyme et du département des Alpes de Haute Provence) et les Pics de la Font Sancte 3345m (point culminant du Massif d'Escreins).

 

 

Un soleil printanier nous accompagne sur les premiers kilomètres. L'herbe commence à verdir mais les Mélèzes, arbres typiques des forêts des Alpes du Sud, n'osent pas encore se parer de leurs aiguilles. Les nuits sont encore rudes au coeur des Alpes et un dernier sursaut de l'hiver n'est pas à exclure.

 

Nous avions prévu de démarrer la randonnée en raquettes. Mais le faible manteau neigeux nous contraint à devoir les porter le temps d'atteindre les hauteurs enneigées. Deux sentiers peuvent être empruntés pour filer en direction de l'Italie, du moins sur la première partie de la vallée. L'un sur le versant Sud du Massif d'Escreins, l'autre sur le versant Nord du Massif du Chambeyron. Les deux remontent doucement l'Ubaye qui coulent en fond de vallée. On emprunte le versant Sud, la neige et les mélèzes rendant plus périlleux l'ascension de l'autre côté du torrent.

 

Sur la gauche, le Pic du Pelvat 3220m.

 

Au bout de quelques kilomètres, la vallée s'élargit pour laisser trôner une petite plaine humide : le Plan de Parouart. Un éboulement du versant Sud de cette partie de la vallée a limité l'écoulement de l'Ubaye et avait ainsi créé un lac sur cette zone. Mais peu à peu, ce lac s'est comblé avec les nombreux sédiments charriés par les torrents et a disparu il y a un demi siècle de cela. Aujourd'hui, une petite forêt a élu domicile sur cette plaine.

 

Entre l'éboulement et le Plan de Parouart.

 

 

Une fois le Plan de Parouart franchi, au lieu-dit du Ga, la vallée se rétrécit subitement. On traverse l'Ubaye pour passer sur le versant Nord de la vallée. L'inclinaison du sentier augmente par la même occasion et on marche pour la première fois de la randonnée dans la neige. Mais pas de quoi chausser les raquettes pour autant. D'autant que le sentier entame quelques zigzags en forêt suivis de quelques centaines de mètres en dévers pour traverser le Ravin de la Salcette. Il s'agit du seul endroit qui peut s'avérer périlleux sur sol enneigé dans l'ascension du col. A partir de maintenant, un unique sentier se dirige vers le Col de Longet.

 

Au niveau de l'Alpage de la Blave. au fond de la vallée, la petite pointe noire constitue la Tête des Toillies. Le Col de Longet est situé à son pied.

 

Après le Ravin de la Salcette, la vallée s'élargit de nouveau. On traverse un plateau enneigé où se situe la petite Cabane de la Blave. Par moment, on s'enfonce jusqu'au milieu des cuisses. On ne chausse pas les raquettes pour autant, le sentier va repasser côté Sud dans quelques centaines de mètres. On se débat encore quelques fois dans le manteau neigeux puis on part traverser l'Ubaye par nos propres moyens afin de ne pas trop s'épuiser.

 

On galère sur quelques congères puis on retrouve la terre ferme et les alpages grillés par la rudesse de l'hiver.

 

 

 

 

 

 

 

Le ciel s'assombrit peu à peu au-dessus de la Vallée de l'Ubaye. Des retours d'Est sont prévus tout au long du week-end. Face à nous, en direction de l'Italie, on voit les rideaux de neige se faufiler petit à petit dans les Alpes françaises. Cependant, les prévisions n'indiquent pas de quantités importantes qui pourraient compromettre notre traversée.

Contrairement à nous, le bouquetin file vers l'Ouest pour espérer échapper à la neige.

 

 

L'ascension en direction du Col de Longet se compose de plusieurs ressauts entrecoupés de petits plateaux. Ci-dessus celui de la Cabane du Rayne perchée à un peu plus de 2300m. Face à nous, le ressaut des Oullas nous fera gagner 200m de dénivelés positifs. C'est seulement en haut de ce dernier que nous chausserons nos raquettes. Une petite bise et quelques flocons nous accompagneront le temps de cette courte ascension. Pas de quoi remettre un bon coup de peinture blanche sur les montagnes environnantes.

 

Contre toute attente, et alors que la nébulosité venait de l'Italie, une éclaircie apparait vers l'Est. On se met à espérer quelques rayons de soleil à notre arrivée au col.

 

 

 

 

Une fois le ressaut des Oullas franchi, un vaste plateau ascendant nous mène au Col de Longet. Personne à l'horizon, pas une trace de raquettes ni de skis dans le vallon. Même la petite bise n'arrive pas à briser le silence des lieux. l'hiver règne encore en maitre à cette altitude.

 

Les uns après les autres, les sommets de la Haute Vallée de l'Ubaye s'illuminent des derniers rayons de la journée. Notamment les deux principaux du coin : la Tête des Toillies 3175m et le Bric de Rubren 3340m.

 

 

Non loin du col, on perçoit pour la première fois les montagnes côté italien. Face à nous est censé se dresser le Mont Viso mais la nébulosité nous empêche de contempler le géant des Alpes du Sud. Qu'importe, on traverse cet ultime plateau où se niche le Lac de Longet, source de l'Ubaye. On passe sur ce lac gelé sans même s'en apercevoir. On retrouve également quelques traces de skis descendant du Col de la Noire. Allons-nous avoir le Bivacco pour nous ? Suspense !

 

Sur les dernières centaines de mètres en France, le soleil se décide enfin à se montrer.

 

Quelques pics du Massif du Chambeyron depuis le Lac de Longet.

 

 

Puis, une fois une petite butte neigeuse passée, on aperçoit enfin notre petit palace d'altitude : le Bivacco Enrico Olivero. Le Mont Viso reste quant à lui aux abonnés absents.

 

 

Sans même s'en apercevoir, on franchit le Col de Longet et la frontière italienne simultanément. Puis, dans un dédale de neige et de roche, on se fraie un sentier pour accéder au Bivacco. La Tête des Toillies s'érige derrière nous ainsi que d'autres monts du Massif d'Escreins tels que la Rocca Bianca, le Pain de Sucre ou encore le Pic d'Asti. Sur le versant italien, on plonge sur le Val Varaita.

 

Sur les coups de 19h20, on arrive à la porte d'entrée du Bivacco Enrico Olivero 2682m.

 

 

 

Personne dans les parages. Nous aurons le confort du Bivacco pour nous deux. Ce petit refuge a été construit en 2018 et contient le strict nécessaire pour passer une nuit tranquille à haute altitude : 6 places de couchages (deux lits doubles et deux lits simples), deux petites tables et quelques tabourets. Il est également équipé de panneaux solaires et d'une radio de secours. Ces grandes baies vitrées permettent à la lumière de pénétrer facilement la petite installation et de bénéficier d'une vue imprenable sur le Mont Viso, encore faut-il que les nuages se dissipent. Son enrobage de taule et son exposition permettent également au Bivacco de conserver un minimum de chaleur. A notre arrivée, il y fait 9°C.

Malgré une forte nébulosité, quelques rayons téméraires arrivent à se faufiler entre les nuages pour rosir la face Ouest du Pain de Sucre.

 

Même les alentours de la Tête des Toillies se parent de rose avant que la noirceur de la nuit n'envahisse l'Arc Alpin.

 

 

 

 

 

Par 9°C, on se permet de diner au lit. Les nuages écourtent notre contemplation des environs. On installe notre couchage. Plus qu'à espérer que la nuit ne fasse fuir cette nébulosité pour voir le lever du soleil depuis notre oreiller.

 

Jour 2 : La traversée de la Rocca Bianca.

 

 

Pendant la nuit, la neige a légèrement recouvert les montagnes du Val Varaita, redonnant aux Alpes leurs couleurs d'hiver. La dissipation des nuages nous permet d'avoir une vue sensationnelle sur l'Est du Massif d'Escreins et le Mont Viso 3841m. Le soleil ne devrait pas tarder à se dévoiler derrière le géant italien.

 

 

Le Mont Viso est souvent désigné comme le seigneur des Alpes du Sud. Et ce n'est pas par hasard. Du haut de ses 3841m, il dépasse la totalité de ses proches voisins de plus de 500m. Il faut aller dans le Massif des Ecrins en France pour retrouver des cimes comparables. Cette proéminence lui permet d'être particulièrement bien visible des massifs environnants. D'ailleurs, son nom viendrait du romain ''Vesulus'' signifiant ''Mont Visible''.

Cette montagne semble particulièrement austère et abrupte, voire inaccessible. Il s'agit d'un immense bloc de roches qui se découpe en deux têtes sur sa zone sommitale : le Mont Viso 3841m et le Viso di Vallanta 3781m. Il fait partie de ces montagnes à part entière dans le roman national italien au même titre que le Mont Blanc, Rochemelon ou encore le Cervin. Il est par ailleurs situé totalement en Italie, la ligne frontalière se situant plus au Nord-Ouest, au niveau de la Pointe Gastaldi. Par sa position méridionale et sa proximité avec la plaine du Pô, dont la source se trouve non loin du pied de la montagne, sa cime est souvent prise dans les nuages dès la fin de matinée. C'est le fameux phénomène de Nebbia qui plaque l'humidité de la plaine fluviale italienne vers les Alpes frontalières. Ainsi, tôt le matin et en fin d'après midi sont les moments les plus propices à la contemplation de ce colosse de pierre.

 

Sur la frontière, les sommets sont frappés les uns après les autres par les premiers rayons lumineux. Notamment la Tête des Toillies qui surplombe le Bivacco Enrico Olivero.

 

Vues du ciel, les hautes cimes alpines du Queyras, d'Escreins et des Alpes Grées en passant par celles des Ecrins et des Cerces. Sur la droite de la photo, on aperçoit bien le vallon que l'on va emprunter pour relier le Col Blanchet, sous la Tête des Toillies.

 

A quelques minutes d'intervalle.

 

Quelques minutes plus tard, le Mont Viso laisse le soleil effleuré la coque du Bivacco. On déguste notre cappuccino au soleil et on prépare l'étape du jour.

Notre objectif de la journée est de relier le Refuge Agnel côté français. Pour cela, il nous faudra atteindre le Col Blanchet situé sur la frontière franco-italienne. Pour pimenter cette étape on décide également de gravir la Rocca Bianca, un sommet situé sur la frontière et qui nous permettra de rejoindre le Col de Saint-Véran puis le Col de Chamoussière pour finir par atteindre le Refuge Agnel. Le temps a l'air au beau fixe et la neige pas si importante, ce qui facilitera le passage des cols.

On remet en ordre le Bivacco, on chausse nos chaussures encore bien humides de la veille et l'on enfile directement nos raquettes pour entamer le premier intermédiaire du jour : le Col Blanchet.

 

On prend le temps de contempler les alentours du Bivacco avant de démarrer la randonnée du jour.

 

On s'extirpe du plateau lacustre où est situé le Bivacco Enrico Olivero.

 

Puis l'on effectue une traversée en dévers sous la ligne de crête menant à la Tête des Toillies. Le regel nous permet de mieux adhérer à la pente et le faible enneigement rend quasi inexistant le risque d'avalanches sur ce versant.

 

Il n'est même pas 9h que la cime du Mont Viso se fait déjà enquiquiner par le premier nuage de la journée.

 

 

 

Le Col Blanchet 2897m est facilement atteint. Au fur et à mesure de notre progression, la Tête des Toillies s'affine pour ne former qu'un fin piton rocheux. L'ambiance montagnarde reste totale. Il n'y a personne dans les environs et malgré les quelques cumulus qui se développent, le Mont Viso reste bel et bien visible.

 

 

La borne marquant la frontière entre la France et l'Italie. Sur la droite, le Bric de Rubren 3340m.

 

 

Côté français, on débouche sur la Vallée de Saint-Véran. Beaucoup moins abrupte que le Val Varaita italien. On remarque également que l'épisode neigeux nocturne a épargné la partie française du massif.

 

 

Il ne nous reste plus que 150m de dénivelés pour atteindre la cime de la Rocca Bianca depuis le Col Blanchet. On se déleste des raquettes, l'arête étant en partie dégarnie par le vent. On chausse nos petits crampons et on part à l'assaut du 3000.

 

Le sommet de la Rocca Bianca. On va suivre l'arête jusqu'au pied de la pointe rocheuse. Ensuite on l'a contournera par la pente neigeuse située à son pied pour finalement emprunter un petit couloir neigeux (que l'on ne voit pas sur la photo) nous conduisant au sommet.

 

Sur la première partie de l'arête, la Rocca Bianca semble bien débonnaire. En effet, son relief n'est pas très impressionnant côté français. Cependant, côté italien, c'est un plongeon de plus de 1000m sur le Val Varaita.

 

Avant de buter contre le sommet de la Rocca Bianca, l'arête devient de plus en plus aérienne. On a déjà une vue imprenable sur le Pain de Sucre, le Pic d'Asti et le Mont Viso.

 

Depuis le sommet de la Rocca Bianca 3059m, la vue s'agrandit : ici vers l'Est en partant des Crêtes de la Taillante à gauche jusqu'au Mont Viso à droite.

 

C'est parti pour quelques minutes de contemplation dans une ambiance pas si fraîche que ça.

 

La croix sommitale accompagnée du Bric de Rubren, du Brec et de l'Aiguille du Chambeyron, de la Tête des Toillies et tout à droite du Massif des Ecrins.

 

Zoom sur le Nord, on y distingue le Pic de Château Renard au premier plan à gauche, derrière lui les Ecrins. Au centre de l'arrière plan on devine l'Aiguille du Goléon, les Aiguilles de la Saussaz et les Aiguilles d'Arves. Suivies par le Pic de Rochebrune, point culminant du Massif du Queyras. On termine à droite par un gros dôme enneigé qui n'est d'autre que le Mont Thabor et son Cheval Blanc à droite de ce dernier.

 

Plongeon sur le Val Varaita et le Lago di Castello / Zoom sur les Crêtes de la Taillante 3197m et la Croix de la Rocca Bianca orientale.

 

 

Les pentes de la Rocca Bianca sont pour la plupart encore bien pétrifiées par l'hiver alpin.

De même que le saupoudrage résiste encore l'assaut du printemps comme on peut le voir près du Pain de Sucre 3208m et du Pic d'Asti 3287m.

 

Dernier aperçu du Mont Viso depuis le sommet de la Rocca Bianca avant que la montagne ne se fasse engloutir par les nuages.

 

Etant montés par l'arête Ouest, nous avions pour ambition de relier le Col de Saint-Véran par l'arête Est de la Rocca Bianca. Mais c'est après avoir tenté à maintes reprises et quadrillé la montagne de nos aller-retour que nous nous sommes rendus à l'évidence : l'arête Est est trop vertigineuse pour être empruntée enneigée et avec un simple équipement de randonnée. On repasse donc sous le sommet pour reprendre les pentes enneigées entre la Rocca Bianca et le Col Blanchet, côté français.

 

 

 

 

Une fois sortis de ce labyrinthe de petites barres rocheuses et de neige, on se décide à déjeuner sous la Rocca Bianca, légèrement en amont du Lac Blanchet Supérieur. En quelques minutes le ciel se couvre et les premiers flocons se mettent à virevolter. On profite du réchaud pour faire fondre de la neige, la totalité des sources étant soit inaccessibles soit gelées.

 

Après le repas, on se remet en route vers le Col de Saint Véran. Au niveau du désert du col, on fait face au Pic de Caramantran 3025m. L'ultime col de la traversée, le Col de Chamoussière se trouve de l'autre côté de la montagne. On la contournera donc par la gauche, le mauvais temps nous convainquant de ne pas nous attaquer à ce sommet.

 

Au Col de Saint-Véran 2844m, le Val Varaita semble pris dans la tempête de neige. La Rocca Bianca, à droite, s'apprête, tout comme nous, à faire face aux premières rafales.

 

Voilà que la Tête des Toillies est maintenant décapitée. Plus que quelques secondes avant que la Rocca Bianca ne subisse le même sort. Au delà de la ligne politique, la frontière est également naturelle et elle s'analyse particulièrement bien lors de ces retours d'Est. En France, le temps reste clément et la nébulosité italienne tente de franchir les cimes frontalières.

 

On poursuit notre route en direction du Col de Chamoussière. Ce retour d'Est n'est finalement pas bien violent. Peu voire par de vent, de petites chutes de neige, il s'agit surtout d'une forte nébulosité par moment rendant notre progression parfois hésitante tant la visibilité du relief est médiocre.

 

 

Au Col de Chamoussière 2884m, une éclaircie permet de mieux appréhender la suite et la fin de l'étape du jour. Face à nous se dévoile le vallon menant au Col Agnel. On aperçoit d'ailleurs quelques lacets de la route estivale menant au col sur la gauche de la photo. Au centre gauche, on distingue une grosse masse noire, il s'agit du Refuge Agnel, l'objectif initial de notre étape du jour.

 

 

On effectue quelques mètres sur le versant du col menant au Refuge Agnel et malgré le fait que l'éclaircie tend à se maintenir, je stoppe la progression. Je ne sentais pas ces pentes enneigées. Les quelques traces de skieurs auraient pu nous rassurer sur la stabilité du manteau neigeux mais cela ne nous disait rien sur les fluctuations de températures qu'il y a eu ces derniers jours, ni même sur l'état de la pente le lendemain quand nous aurions dû la gravir cette fois-ci sur le chemin du retour. D'autant que, tout comme la nuit précédente, quelques faibles chutes de neige étaient attendues dans la nuit. Demi tour donc. On laisse la pente aux quelques lagopèdes du coin puis l'on décide du plan B. Malheureusement, le Refuge de la Blanche situé au pied de la Rocca Bianca ne bénéficie pas d'un local d'hiver. On se rabat donc sur le Bivacco Enrico Olivero. La journée devait quasiment se terminer, on repart pour une traversée intégrale jusqu'à notre départ de ce matin.

 

On retrouve les franches éclaircies de la Vallée de Saint-Véran, mais rapidement nous partirons dans les nuages à la recherche du Col Blanchet.

 

Le jour blanc brouille par moment tout sens de l'orientation. Avec l'application sur notre téléphone, on se dirige tant bien que mal vers le Col Blanchet après avoir passé les lacs éponymes.

 

En repassant côté italien, les nuages laissent place à de belles éclaircies. On retrouve la Tête des Toillies et le vallon reliant le Col Blanchet et le Col de Longet. Un skieur nous passe devant, le premier individu que l'on croise depuis le début de la randonnée. On le retrouvera au Bivacco un peu plus tard.

 

Les nuages caressent la cime de la Tête des Toillies.

 

De nouvelles giboulées de neige se dirigent vers nous. Mais ce n'est que sur les derniers mètres avant le Bivacco que les flocons nous atteignent.

 

Le Col de Longet et le Bric de Rubren se font peu à peu happer par l'averse.

 

Petit clin d'oeil de l'hiver.

 

 

Le Mont Viso ne sera pas de la partie ce soir-là. On se contentera d'une vue sur la vallée légèrement saupoudrée par les giboulées. Nous ne ferons pas de vieux os en cette soirée. Même si la dénivellation n'a pas été importante malgré le demi tour, la progression sur terrain enneigé et la plupart du temps en dévers peu vite devenir épuisante. On reprend donc des forces dans le confort du petit Bivacco italien.

 

Jour 3 : Descente de la Haute Ubaye jusqu'à Maljasset.

 

Le lendemain matin, le ciel alpin est bien tristounet. Les cimes sont cachées et le jour blanc semble s'être installé dans la durée. Pas de variante pour aujourd'hui. On se contentera de la longue descente vers le hameau de Maljasset.

 

On s'équipe chaudement avant d'entamer la descente.

 

A peine repassés en France que la visibilité s'améliore, sans que le soleil soit présent pour autant. Mais les cimes du Massif d'Escreins sont de la partie.

 

Face au Péouvou 3230m.

 

 

A la différence de la montée, les marmottes ont fait leur réveil printanier dans la Haute Vallée de l'Ubaye. Ce n'est peut-être pas le meilleur timing au vu du temps pour ces rongeurs d'altitude.

 

 

Elle refait le stock d'herbe sèche pour faire face aux dernières offensives de l'hiver.

Plus l'on progresse, plus l'on apercoit leur petite tête dépasser du manteau neigeux. Elles se contentent de nous observer, sans un bruit.

 

 

Alors que l'hiver résiste à haute altitude et que le printemps semble bien installé en vallée, on traverse l'étage alpin où la nature hésite encore entre les deux saisons. Entre 2000 et 2500m, quelques crocus téméraires bravent les éléments et ajoutent un touche de couleur dans cet environnement fait de blanc et de gris.

 

Au tour de la végétation de prendre de la hauteur. On traverse le mélézin sur les bords de l'Ubaye encore bien paisible avant la fonte massive des neiges.

 

 

A la mi-journée nous mettons pied dans les ruelles étroites du hameau de Maljasset. On divague entre les maisons au toit de lauzes et aux façades ornées de cadrans solaires. On termine ces quelques jours entre France et Italie par cette maxime au-dessus de ce cadran : ''Je suis pendu à la muraille pour enseigner l'heure qu'il est aux braves gens et à la canaille''. Reste à savoir dans quel camp sommes-nous.


ITINÉRAIRE DE LA RANDONNÉE : 

 

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