- La Tête de Cialancioun 3014m en boucle par les Lacs de Marinet et de Roure

Publié le 13 août 2024 à 16:42

Réalisée le 12 août 2024.

 

A l'extrémité du département des Alpes de Haute-Provence, avant de basculer en Italie, s'étend la magnifique Vallée de l'Ubaye. Du Lac de Serre-Ponçon au Col de Longet, elle s'élance sur plus de 80km entre moyenne et haute montagne. Totalement à l'écart des grosses agglomérations de Provence et du Dauphiné, cette vallée a gardé en grande partie ses caractéristiques sauvages en montagne, traditionnelles dans les villages. La présence du Parc Naturel Régional du Queyras sur sa partie Nord et du Parc National du Mercantour sur sa partie Sud lui on permit de conserver une certaine intimité même si les amateurs de grands espaces sont de plus en plus nombreux chaque année à arpenter ces montagnes.

Au-delà de Barcelonnette, la principale ville de la vallée, on entre dans la Haute Ubaye. La vallée se rétrécit et les plus hautes cimes des Alpes du Sud françaises s'érigent au-dessus de l'Ubaye. Que ce soit en randonnée ou en alpinisme, la barre symbolique des 3000m d'altitude est rapidement franchie et les alpages laissent vite place à une haute montagne sèche typique des Alpes du Sud.

L'ultime village de la vallée est Saint-Paul sur Ubaye, ce dernier se dispatchant en plusieurs petits hameaux dont le plus éloigné d'entre eux, Maljasset, correspond au terminus de toute voie routière. Perché à 1900m d'altitude, le village de Maljasset marque le point de départ d'une multitude de randonnées : soit vers le Nord et le Massif d'Escreins, soit vers l'Est et le Sud en direction du Massif du Chambeyron et de l'Italie. 

On privilégiera aujourd'hui le Sud de la Haute Ubaye et les contreforts du Massif du Chambeyron, immense massif transfrontalier qui abrite quelques merveilles, quelles soient lacustres, sommitales ou paysagères. C'est d'ailleurs non loin de son point culminant, l'Aiguille de Chambeyron 3412m, où nous nous rendons. Et malgré l'absence de glaciers comme on l'habitude de côtoyer dans les Alpes du Nord, leurs vestiges sont encore en nombre dans ces montagnes, rafraichissant et humidifiant ces reliefs par moment arides et austères. 

Les sommets accessibles ne manquent pas dans cette zone montagneuses, et même si l'on doit éliminer les plus hautes sommités qui ne s'effectuent que pas voie d'alpinisme rocheux, on peut rapidement s'élever au-delà des 3000m dans ce massif. Quelques sommets sont d'ailleurs pris d'assaut par les randonneurs à la forte saison comme la Tête de la Frema, le Mont de Maniglia ou encore le Bric de Rubren. Mais il existe des sommets plus discrets, moins connus et qui ne manquent pourtant pas d'allure ni de panoramas exceptionnels. C'est ce qui nous conduit à nous intéresser à la Tête de Cialancioun 3014m.

Sommité inconnue jusqu'alors, elle se situe pourtant entre le Mont de Maniglia et l'Aiguille de Chambeyron et est à proximité de plusieurs vallons où nichent quelques lacs. On établit donc un circuit dans cette zone avec comme objectif principal, l'ascension de ce sommet frontalier.

 

 

 

Au départ de Maljasset, on quitte rapidement le fond de vallée en traversant l'Ubaye et en pénétrant dans le Vallon de Mary sous un soleil sud-alpin déjà bien omniprésent.

On passe aux abords de l'Eglise Saint-Antoine du Désert bâtie au XIIIème siècle. Et malgré une destruction partielle en 1531 à cause d'une avalanche et sa reconstruction à l'identique, cet édifice religieux fait toujours référence dans la Haute Ubaye. Même si une rénovation ne sera pas de trop.

L'Eglise Saint-Antoine du Désert et le Pic de Panestrel 3254m

 

 

La première partie de l'ascension s'effectue en sous-bois. On devine brièvement l'Aiguille Large et l'Aiguille Pierre André avant de s'immiscer dans le mélézin. Ce dernier se clairsème au niveau de l'alpage du Clos de Balet, à 2000m d'altitude. 

 

De l'autre côté de la vallée, on fait face à la Tête de Girardin 2876m et au Rocher de l'Eissassa 3048m, tout deux séparés par le Col Tronchet.

 

L'environnement forestier finit par totalement disparaître une fois la Bergerie Inférieure de Mary passée. On voit enfin les premiers sommets du fond du Vallon de Mary. Tout à gauche, deux sommets se distinguent :  la Tête du Roure et la Spera. La Tête de Cialancioun ne se voit pas, elle est cachée par la Spera.

 

On se situe sous l'Aiguille Large 2857m. A droite il s'agit de l'Aiguille Pierre André 2812m.

 

Avant d'atteindre l'alpage de la Bergerie Supérieure de Mary, on se retrouve encerclée par des marmottes peu farouches qui nous gueulent littéralement à la figure lors de notre passage. Profitant du fait que notre chien soit tenu en laisse. On se posera quelques instants sur le sentier le temps de les observer et d'écouter attentivement leur concert monocorde.

 

 

Juste avant la Bergerie Supérieure de Mary, on stoppe notre progression dans le Vallon de Mary. Au lieu de nous rendre directement vers la Tête de Cialancioun, on se permet un crochet par les Lacs de Marinet cachés sur la droite du vallon, entre l'Aiguille Large et les Rochers de Marinet.

Ce sera l'occasion de contempler une curiosité géologique du coin : les glaciers rocheux du Marinet.

 

Une fois près de l'émissaire des Lacs de Marinet, on fait face au géant du coin : l'Aiguille de Chambeyron 3412m, point culminant du massif éponyme et des Alpes du Sud françaises. Sous sa cime et dans son cirque rocheux, on devine la partie haute du Glacier de Marinet

Petit clin d'oeil en arrière près du premier Lac de Marinet. Le Péouvou 3232m se rajoute au panorama.

 

Avant d'arriver au premier Lac de Marinet, le son des cloches d'un troupeau de moutons nous incite à décaler notre trajectoire pour contourner non pas seulement le troupeau mais également le lac. Cela ne suffira pas à calmer les patous et les kangals du coin. On essayera tout de même de profiter de ce lieu d'exception tout en prenant bien soin d'éviter que notre chien se fasse déchiqueter ainsi que nos mollets.

 

Derrière le Lac de Marinet, une immense langue rocheuse semble menacer le pourtour Sud de ce lac. Chutant directement de la cime de l'Aiguille de Chambeyron, on croirait presque à une coulée de lave solidifiée. Il s'agit en réalité du Glacier Rocheux de Marinet. 

Un glacier rocheux est un type de glacier à part entière. Différent du glacier blanc uniquement constitué de glace et du glacier noir dont la surface est recouverte de roche. Le glacier rocheux est un mélange des deux : la roche et la glace ne font qu'un. Pendant l'hiver la neige s'accumule à sa surface puis avec l'arrivée de températures positives, l'eau de fonte s'écoule entre les blocs et finit par geler en profondeur. Alors que les glaciers blancs et noirs peuvent connaitre des périodes d'avancée et de recul, le glacier rocheux ne peut qu'avancer du fait de son propre poids. 

Le Glacier de Marinet a la particularité d'être à la fois un glacier blanc de cirque sur sa partie la plus haute et un glacier rocheux sous la barre des 2800m d'altitude. Cependant, du fait de sa situation géographique et aux influences du climat méditerranéen dans la zone, la couche de glace n'est plus renouvelée et le glacier a cessé de progresser. Et ce, depuis pas mal de temps car d'anciens documents attestent qu'au milieu XIXème siècle la langue glaciaire de Marinet était globalement au même endroit qu'actuellement. La Glacier Rocheux de Marinet est considéré maintenant comme inactif. 

Epais tout de même d'une quarantaine de mètres, le Glacier de Marinet existe bel et bien toujours et constitue aujourd'hui le glacier le plus méridional de l'Arc Alpin. Sa coulée de roche noire contraste fortement avec l'explosion de couleurs qu'offrent les alpages entourant les Lacs de Marinet. 

 

 

On s'approche encore davantage du glacier rocheux et on se permet même quelques pas sur son front. En le foulant on aurait tendance à penser qu'il s'agit d'un immense pierrier de roches instables. Pourtant la glace est bel et bien là, quelques mètres sous la surface.

 

Le sentier part vers le Sud et continue de longer sur quelques dizaines de mètres le front glaciaire. Le reine des lieux, l'Aiguille de Chambeyron, continue de nous écraser de sa face Nord-Est rocheuse et verticale.

 

Entre les deux Lacs de Marinet, on peut faire le crochet jusqu'à un étrange baraquement. De forme rectangulaire et intégralement fait de pierres à l'exception de son toit, le Refuge-Bivouac du Marinet est un abri non-gardé perché à plus de 2500m d'altitude. Construite en 1967 et rénovée entre 2019 et 2021, l'intérieur de cette cabane est assez rudimentaire : deux planches de bois superposées pouvant accueillir jusqu'à six couchages, une table et deux bancs. Il n'y a pas de quoi se chauffer ni se couvrir. Les affaires de bivouac sont donc indispensables pour y passer la nuit. Les Lacs de Marinet et les alluvions des environs peuvent faire office de source.

Ça ne vaut pas un bivouac italien mais cet abri a le mérite d'exister, dans un magnifique cadre montagnard qui plus est !

Le Glacier Rocheux de Marinet, les deux lacs de Marinet et l'Aiguille Large depuis le refuge-bivouac.

 

L'autre Lac de Marinet est immensément plus grand que le premier que nous avons croisé. Sa couleur est par contre un peu plus classique pour un lac de montagne. L'Aiguille Large se reflète ainsi dans ces eaux.

 

Pour rejoindre de nouveau le Vallon de Mary, nous ne sommes pas obligés de faire demi tour. Un sentier bien marqué continue son ascension en direction du Col de Marinet, à la frontière entre la France et l'Italie. On s'élève ainsi de 200m supplémentaires entre la Roche Noire et les glaciers rocheux.

 

Depuis ce point de vue, on devine particulièrement bien les deux langues des glaciers rocheux de Marinet. Au-dessus d'elles, s'élancent (de gauche à droite) : le Brec de l'Homme, le Col de Chambeyron, la Pointe des Cirques, la Brèche Nérot Vernet, l'Aiguille de Chambeyron et l'Aiguille de Chillol.

Tout à gauche, il s'agit du Col de Marinet.

 

Depuis le Col de Marinet 2787m. Au loin, au-dessus des deux fronts glaciaires, on aperçoit les Pics de la Font Sancte 3385m.

 

Zoom sur le Pic de Panestrel et les Pics de la Font Sancte.

 

Le versant italien du Col de Marinet. On fait face à notre objectif du jour : la Tête de Cialancioun, qui correspond au sommet le plus débonnaire de la crête dentelée du centre-gauche.

 

 

Au Col de Marinet, plusieurs sentes continuent de monter dans les pierriers. Que ce soit du côté italien ou du côté français, de nombreux itinéraires moins courus sont possibles. En France, il est intéressant de poursuivre vers le cirque des Glaciers de Marinet, mais au-delà, il est fort probable que le matériel d'alpinisme soit utile.

Côté Italie, deux autres cols sont mentionnés par la signalétique : le Colle di Ciaslaras et le Colle del Infernetto. Ce second col, bien que vertigineux, peut permettre de basculer de nouveau en France, au niveau du Lac des Neuf Couleurs.

 

 

Du Col de Marinet, on peut facilement rejoindre le haut du Vallon de Mary. Il suffit de relier de Col de Marinet à celui de Mary via une descente de quelques centaines de mètres côté italien. 

Au Col de Mary 2641m, aussi appelé Col de Maurin, on passe étrangement à côté d'une boite aux lettres postée près du cairn marquant le col. Il s'agit ni plus ni moins de la plus haute boite aux lettres d'Europe. Cette dernière était utilisé par les ouvriers piémontais venant travailler dans les carrières de marbre vert de la Vallée de l'Ubaye entre le XIXème et la première moitié du XXème siècle. Cette installation leur permettait de communiquer avec leur famille le temps de leur saison en France. Même si le travail dans les mines de marbre vert s'est terminé dans les années 1940, la boite aux lettres reste, même encore aujourd'hui, relevée régulièrement.

 

Bornes frontalières marquant l'ancienne frontière entre le Royaume de France et le Royaume de Piémont-Sardaigne. A gauche au Col de Mary, à droite au Col de la Traverse.

 

Après le Col de Mary, on sort des sentiers balisés. On rejoint à niveau le Col de la Traverse à la frontière entre la France et l'Italie. Depuis ce col, on repart finalement entièrement côté français, dans les éboulis comblant le pied de la Spera. Dans ces pierriers, les cairns sont en nombre, soit pour rejoindre les Lacs de Roure soit pour partir à l'assaut de la Tête de Cialancioun. 

Le sentier cairné contourne une bonne partie de la montagne pour que l'on se retrouve en aval du Pas de Cialancioun. Col qui nous permettra d'atteindre l'arête et le sommet.

 

Le Massif d'Escreins depuis le Col de la Traverse 2668m.

 

On s'éloigne des hautes cimes du Massif du Chambeyron pour rentrer dans le désert de pierres surplombant les Lacs de Roure.

 

Au Pas de Cialancioun 2910m, on retrouve la frontière franco-italienne. Il ne nous reste plus qu'à grimper sur l'arête qui monte vers l'Est, vers la Tête de Cialancioun. Le sentier jusqu'au sommet est évident et ne présente aucune difficulté.

 

Sur l'arête de la Tête de Cialancioun. En toile de fond, le Mont de Maniglia 3177m.

 

 

Sur l'arête de la Spera, quelques bouquetins semblent flâner sur les blocs sommitaux. Ils ont bien pris soin de s'écarter au maximum des sentiers praticables par les bipèdes que nous sommes. 

 

En arrivant sur le point haut de l'arête, un cairn marque non seulement le point haut mais également la frontière entre les deux pays. 

Avec le manque de signalétique, on a du mal à savoir s'il s'agit de la cime de la Tête de Cialancioun où s'il s'agit du sommet légèrement plus au Sud et qui a l'air un tantinet plus haut. 

La Tête de Cialancioun 3014m semble être au niveau de la frontière selon les cartes topographiques. Le point plus au Sud et un peu plus haut n'est uniquement mentionné que part un point altimétrique 3023m. 

On décide tout de même de se rendre près de ce sommet, d'autant qu'une petite croix métallique orne ce bastion.

 

Depuis la côte 3023m, on déguste un panorama allant du Mercantour au Sud jusqu'au Ecrins au Nord. Ci-dessus, le coeur du Massif de Chambeyron est visible : Tête de Sautron, Rocca Blanca, le Massour, le Brec de Chambeyron, la Tête de la Frema, le Brec de l'Homme, la Pointe des Cirques, l'Aiguille de Chambeyron et l'Aiguille de Chillol. A droite, l'Ouest du Massif d'Escreins.

 

Zoom sur le Massif d'Escreins : La Mortice, le Pic des Houerts, le Pic de Panestrel, les Pics de la Font Sancte, la Tête de Girardin. Au fond à droite, on distingue le Massif des Ecrins et ses presque 4000.

 

Versant français sur la photo d'en haut et versant italien sur la photo d'en dessous. Vallée de l'Ubaye d'un côté, Valle Maira de l'autre.

 

A l'Ouest les géants du Chambeyron, à l'Est, le chainon du Mont de Maniglia avec les Dents de Maniglia, la Pointe du Fond du Roure et le Mont de Maniglia.

 

 

 

 

Pour ce qui est de la descente, on reprendra le chemin à l'identique jusqu'au pierrier sous-jacent au Pas de Cialancioun. Sous ce col, au lieu de partir en balcons et rejoindre de nouveau le Col de la Traverse et le Col de Mary, on continue tout droit pour sortir de la pierraille et poursuivre dans les alpages un peu plus doux du Vallon de Mary, à la recherche des différents Lacs de Roure.

Sous le Mont de Maniglia et le Col de Roure.

 

 

Les Lacs de Roure sont composés d'une multitude de plus ou moins grosses étendues d'eau. Perchés entre 2600 et 2750m d'altitude, ils se nichent sur le fond du Vallon de Mary, coincé dans le cirque mi-herbeux, mi-rocheux entre la Pointe Haute de Mary, le Mont de Maniglia et la Tête de Cialancioun. Cet archipel lacustre n'est pas forcément bien relié par un quadrillage de sentiers, mais le terrain n'étant pas trop abrupt, on peut facilement les relier à vue.

 

Le plus bas des Lacs de Roure est l'un des plus jolis. Son pourtour est par moment tapis de linaigrettes et une bonne partie du cirque présent en amont de ce lac et les sommets alentours sont visibles depuis ses bords. 

 

 

 

 

Après les Lacs de Roure, on rejoint rapidement le sentier principal joignant la Vallée de l'Ubaye au Valle Maira. Ce sentier est également le GrP du Tour du Chambeyron celui du Tour du Bric de Rubren. 

On y met pied légèrement en amont de la Bergerie Supérieure de Mary, là où nous avons bifurqué plus tôt dans la journée pour rallier les Lacs de Marinet.

A noter que cette cabane pastorale est mise à la disposition des randonneurs en dehors des périodes d'estive. Elle peut être une belle halte pour l'ascension d'un autre sommet du coin ou tout simplement sur les itinérances possibles dans la région.

A partir de cette cabane, on reprend ainsi à l'identique le sentier de ce matin entre les alpages et le hameau de Maljasset.

 

On termine cette vingtaine de kilomètres de randonnée en arpentant une nouvelle fois les ruelles du hameau de Maljasset. 

En zigzagant entre les vallons de Marinet et de Mary, on a pu profiter d'une diversité de paysages sans commune mesure dans les Alpes du Sud. La présence des glaciers rocheux de Marinet aux abords des sentiers est une curiosité de ces montagnes dont il ne faut pas se priver lorsque l'on se rend dans cette zone aux confins de l'Ubaye. 

Sans oublier les nombreuses cabanes qui parsèment la zone, côté italien bien sûr avec les bivouacs, mais également côté français, ce qui peut permettre de pleinement vivre cette expérience dans les montagnes de la Haute Ubaye.


ITINÉRAIRE DE LA RANDONNÉE : 

 


Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.