Réalisée le 06-07 août 2022
A cheval sur les deux départements de la Savoie, le Massif du Beaufortain offre une escapade bucolique et champêtre avant les aiguilles acérées et les immenses parois glaciaires du Massif du Mont Blanc. D'une altitude relativement modeste : le massif ne dépassant pas les 3000m, il se retrouve coincé entre les deux mastodontes savoyard et haut-savoyard que sont le Massif de la Vanoise et le Massif du Mont Blanc.
Mais cette position de trait d'union entre les deux Savoies permet au Massif du Beaufortain d'offrir aux randonneurs arpentant ses sentiers de magnifiques vues notamment sur le toit de l'Europe et sa face Sud. C'est d'ailleurs vers l'un des plus beaux panoramas sur le Mont Blanc que nous avons décidé de partir : le Grand Mont d'Arêches (ou plus simplement Grand Mont). Le peu d'originalité de son toponyme se fera vite oublier grâce aux différentes vues que l'on contemplera lors de cette randonnée. Son nom provient d'ailleurs de son caractère isolé par rapport au reste du Massif du Beaufortain. Son altitude, 2686m, et son relief le rendent repérable de loin et en font un des lieux phares des hauteurs de la station d'Arêches-Beaufort, située au Nord de la montagne.
Nous n'effectuerons pas une simple ascension de ce grand mont, mais plutôt un circuit, et ce sur deux jours, afin de profiter de ses pentes lors d'un bivouac en altitude. Le départ s'effectuera sur les hauteurs de la basse Vallée de la Tarentaise, quelques kilomètres après Albertville. Sur les hauteurs de Cevins, près du petit hameau du Bénétant, nous entamons la randonnée en remontant le Torrent éponyme.
Jour 1 : Du Hameau de Bénétant au Col de la Forclaz.
La mise en jambe est radicale dès le départ. Le sentier longeant le torrent de Bénétant est abrupt et présente de nombreux passages câblés. Même si la dangerosité n'est pas présente, elle peut impressionner le randonneur et son chien recherchant juste un peu de fraicheur dans le sous-bois.
On suit la direction des Lacs de la Tempête. Ces lacs se trouvent sous la cime du Grand Mont, versant Sud. Or, pour éviter la cohue des randonneurs en cette période estivale, ce lieu n'a pas été retenu pour notre bivouac.
La forêt reste dense sur cette première portion. Si dense que le Torrent de Bénétant n'est que très peu visible. On entend seulement son vrombissement au centre du vallon.
Après quelques centaines de mètres de dénivelés, on commence à deviner les cimes qui nous dominent alors que la forêt se désépaissit.
A la côte 1700, on atteint l'alpage des Chalets du Dard. S'en est fini de la forêt. Il faudra attendre la terminaison de la randonnée demain après midi pour la retrouver.
Un second ressaut nous conduit à l'Alpage du Chalet de Chizera. Le dôme du Grand Mont nous surplombe sur la gauche. Encore un ressaut à franchir pour atteindre les Lacs de la Tempête.
Le loup rôde dans ces montagnes.
Les patous du coin nous rappellent à l'ordre avant que l'on traverse l'alpage. Heureusement, ils semblent plus curieux qu'agressifs.
Le ressaut avant les lacs se compose majoritairement de blocs rocheux. Quelques ruines marquent le début du pierrier.
Vers 2100m, le premier Lac de la Tempête apparait. Deux autres bassins sont présents en amont. Au fond, la Pointe du Riondet 2357m ferme le vallon.
On continue jusqu'au second lac pour casser la croûte. Ces ilots de fraicheur sont la bienvenue pour réduire les effets de la chaleur qui étouffent les basses vallées et s'incrustent jusqu'en moyenne montagne.
Après les Lacs de la Tempête, on continue de s'enfoncer davantage dans le Massif du Beaufortain en direction du Col de la Louze. De là, on rejoint la voie normale du Grand Mont qui démarre du Lac de Saint-Guérin.
On longe le second et le troisième Lac de la Tempête. Les cumulus deviennent de plus en plus nombreux mais ne semblent pas menaçant.
Après le dernier Lac de la Tempête, c'est une courte traversée en balcons qui nous conduit vers le Col de la Louze.
Le reste du Beaufortain commence à se dévoiler.
Les alpages grillés de la Pointe du Riondet.
Après une légère descension, on atteint le Col de la Louze 2119m. ''Louze'' provient en réalité de ''Lauze'', nom des grosses pierres qui servent à la construction des baraquements d'altitude dans la région.
Au niveau du Col de la Louze, on plonge vers le Barrage de Saint-Guérin. Malheureusement, le Mont Blanc, qui est censé se dresser face à nous, est pétri dans la nébulosité.
Camouflé dans les nuages, le sommet du Mont Blanc apparait furtivement de temps à autre.
On continue l'ascension sur le versant Sud-Est de la montagne. On commence à s'interroger sur la présence de l'eau pour le bivouac. Ça devient de plus en plus sec.
Le chainon oriental du Beaufortain est également de la partie. Ici, on reconnait bien dans l'ombre la Pierra Menta 2714m. Derrière elle, le Roignais 2995m, le point culminant du Massif du Beaufortain.
Côté Vanoise également la nébulosité est importante : le Mont Pourri et le Sommet de Bellecôte ont la tête dans les nuages. Au centre, on devine la route menant au Cormet d'Arêches.
Après un vallon rocheux, on débouche sur une arête herbeuse débutant au Col de la Forclaz (rien à voir avec le fameux col surplombant le Lac d'Annecy). A partir d'ici, nous nous mettons à la recherche d'un lieu pour planter la tente. Mais avant tout, nous recherchons une source.
Au niveau de l'arête, cette recherche s'est révélée infructueuse. Pourtant, un lieu pour le bivouac se dévoile légèrement en contrebas. Nous optons donc pour la solution suivante : nous plantons la tente près de l'arête et nous ferons dans la soirée un aller-retour jusqu'au petit Lac Cornu présent 100 mètres en aval de notre bivouac pour nous ravitailler en eau.
Sur les cartes IGN, aucun sentier ne semble s'aventurer vers le Lac Cornu. Pourtant, il y a bel et bien un chemin qui l'atteint depuis l'arête herbeuse. Ce sentier constituera d'ailleurs le début de la deuxième étape du lendemain.
En regardant vers l'Est.
Depuis la tente, on aperçoit le dôme sommital du Grand Mont ainsi que son versant Nord encore baigné par les derniers rayons du soleil.
Un peu avant le coucher du soleil, on part vers l'arête pour voir les lueurs sur les montagnes du coin. Nous espérons surtout que le Mont Blanc se dégage avant la nuit.
Voilà que le géant se débarrasse de la nébulosité.
Depuis l'arête, les deux monts se font face.
En direction de la Haute-Savoie. Sur la gauche, le Massif des Bornes et la chaîne des Aravis.
Le Mont Blanc n'est pas le seul intérêt au milieu de ce panorama alpin. De gigantesques cumulonimbus se dressent au loin. La Vallée d'Aoste et le Valais suisse semblent bien arrosés. Dans la nuit, à défaut de voir les orages directement, on n'en percevra seulement les flashs des éclairs illuminant la nuit étoilée au-dessus du Beaufortain.
Derrière le Beaufortain, c'est probablement les Alpes pennines, les Alpes Grées et le Massif du Grand Paradis qui se retrouvent sous les orages. Alors qu'en France, les montagnes se parent d'orange et de rose.
Zoom vers le monstre nébuleux du Valais et du Val d'Aoste.
Côté Alpes françaises, les nuages restent bien moins imposants au-dessus de la Vanoise et des Ecrins.
Le Mont Pourri et le Sommet de Bellecôte en profitent même pour se montrer quasi entièrement. Sous le Mont Pourri (à gauche) on aperçoit en partie le domaine skiable des Arcs, mi-ombre, mi-soleil.
A l'Ouest, doucement mais surement, le soleil continue son inexorable chute.
L'arête est parfaitement positionnée pour que l'on apprécie le coucher du soleil jusqu'à la fin.
Deux derniers papillons nébuleux résistent encore près du Grand Mont.
Chronologie de la tombée de la nuit.
Même si de notre côté, s'en est finit de la luminosité, les nuages frontaliers ont droit à quelques minutes supplémentaires.
L'ombre de celui-ci s'aperçoit même sur sa droite.
Dernière lueur sur le Mont Pourri et son glacier.
La large enclume passe au rose. Quelques minutes plus tard, l'obscurité l'anéantira.
A notre tour de se coucher.
Jour 2 : L'ascension du Grand Mont et la traversée en balcons jusqu'au Col de la Grande Combe.
Réveil à 6h pour profiter des premiers rayons sur le Beaufortain et gravir le Grand Mont avant la suite de notre parcours autour de son dôme. On profite ainsi davantage de la fraicheur matinale avant une descente vers la fournaise des vallées.
C'est à gauche de l'Aiguille du Grand Fond 2920m que le soleil devrait faire une apparition explosive.
Quelques peu contrariés par de furtifs bancs de brume, on décide de se lancer directement à l'assaut du Grand Mont. Le soleil se lèvera ainsi dans notre dos. Moins d'une heure de marche sépare notre bivouac de la croix sommitale. Le sentier menant à la cime du Grand Mont se compose majoritairement de cairns. Les cartes IGN indiquent un sentier délicat jusqu'au sommet, il n'en est rien.
Le Mont Blanc patiente un peu plus longtemps que prévu lui aussi.
Puis c'est l'explosion au-dessus du Beaufortain.
Sur l'arête surplombant le vallon des Lacs de la Tempête, et malgré la brume, le paysage s'étale vers le Sud : Massif des Ecrins, Massif des Grandes-Rousses, Massif de la Lauzière et Massif de Belledonne.
En passant un ressaut rocheux, le dôme sommital s'érige face à nous. Plus que quelques minutes de marche.
Sur le coup des 7h30, nous nous hissons sur le Grand Mont 2686m. On se retrouve nous-mêmes isolés au milieu de ce panorama sur les Alpes du Nord.
A l'Ouest : Du Grand Arc (à gauche) au Mont Charvin (à droite) en passant par le Mont Granier, le Massif des Bauges, la Pointe du Dard, la Tournette et le Mont Mirantin.
Un peu plus au Sud-Ouest, l'ombre de la montagne assombrit le début de la Vallée de la Tarentaise. Cette dernière est toutefois l'une des seules vallées alpines à ne pas être encombrée d'une épaisse nappe de brume.
Entre Haut-Giffre et Vanoise, en passant par les Aiguilles Rouges, le Massif du Mont Blanc et l'Est du Massif du Beaufortain.
Les rayons sculptent les reliefs savoyards.
Mont Blanc et Pierra Menta.
Pour l'itinéraire de descente, on reprend le même sentier pour retrouver notre bivouac qu'il faudra démonter avant de poursuivre le tour du Grand Mont. Après un café et un peu de muesli, on plonge vers le Lac Cornu et plus encore. Un parcours vallonné nous attend en cette seconde journée au coeur du Beaufortain.
Le soleil arrive en même temps que nous près des tentes. Cela n'aura pas suffit à les sécher entièrement de la rosée nocturne.
Dernier clin d'oeil au Mont Blanc bien dégagé puis la traversée peut commencer.
Plongeon sur le Lac Cornu. Cette fois-ci, la troupe est au complet. Le Lac Cornu nous sert à nouveau de réservoir pour nous ravitailler en eau ainsi que de baignoire pour les chiens. A partir de ce lac, la problématique de l'eau ne sera plus qu'un lointain souvenir. On évoluera dans des alpages où logent de multiples lacs et où ruissellent de nombreux torrents.
Sous le Lac Cornu, un deuxième petit lac est présent : il s'agit du Lac Seston. On poursuit jusqu'à ses rives puis on descend encore un peu plus pour atteindre l'alpage du Lac Tournant.
Après une traversée vallonnée en direction du Lac Brassa via l'itinéraire du Tour du Beaufortain, les nuages prennent l'avantage au-dessus du Grand Mont et des massifs environnants. A l'instar du Mont Blanc qui se fait de plus en plus enquiquiné par la nébulosité.
Une fois le Lac Brassa longé (photo ci-dessus), on frôle le haut du domaine skiable d'Arêches-Beaufort sur quelques centaines de mètres avant d'emprunter le Col de la Grande Combe qui nous fera basculer côté Tarentaise. Peu d'indications seront présentes sur cette portion et les sentes discrètes.
Depuis le Col de la Grande Combe, le Grand Arc (à gauche) voit également bourgeonner quelques cumulus sur sa cime.
En descendant du Col de la Grande Combe, on suit un timide sentier traversant alpages de rhododendrons et pierriers pour nous diriger vers les Ardoisières de la Bathie et de Cevins. Une fois la dernière ardoisière atteinte, il ne s'agira plus que de la descente vers le Hameau de Bénétant.
On traverse les ruines des deux ardoisières. Ces dernières se retrouvant malmenées d'années en années par les événements climatiques. Ces carrières ont été exploitées entre le XVIème et le milieu du XXème siècle. L'altitude de ces ardoisières (entre 1900 et 2000m) ainsi que l'inclinaison du versant montagneux sur lesquelles elles se trouvaient rendaient le travail pour les ouvriers très compliqué et dangereux. Français, Italiens, Allemands, Anglais, de nombreuses nationalités sont représentés dans les groupes ouvriers des Ardoisières de Cevins. Leur renommée n'était pas étrangère au caractère cosmopolite de la masse ouvrière. Outre le fait que ces carrières ont servi à la construction de nombreux bâtiments de la commune de Cevins, présente en contrebas, leur qualité fut récompensée à de nombreuses reprises. Et l'ardoise du Beaufortain servit à l'édification du Château d'Annecy ou encore à la construction d'une partie du Louvre à Paris.
Notez qu'avec l'instabilité du terrain et l'inclinaison de la pente, le sentier des ardoisières est interdit d'accès du 01 décembre au 01 mai de chaque année.
Non loin du sentier et malgré la chaleur à ces relatives basses altitudes, deux chamois déambulent dans un couloir d'avalanche.
Le sentier laisse place soudainement à la route forestière. Il ne reste que quelques kilomètres avant de retrouver la voiture. Heureusement car le ciel se charge au-dessus de la Pointe du Dard. On sait réellement que l'on ne va pas tarder à finir cette randonnée lorsque l'on aperçoit, de l'autre côté du cirque, la Cascade du Dard que nous avons longé la veille en direction des Lacs de la Tempête.
Le Grand Mont d'Arêches a donc été conquis. Il a réussi à mettre à son avantage son isolement par rapport au reste du Massif du Beaufortain en offrant aux randonneurs qui s'attaquent à son sommet un panorama à couper le souffle sur les deux Savoies. Et malgré sa proximité avec un domaine skiable, l'itinéraire emprunté permet d'y échapper tout en effectuant un tour complet de ce mont solitaire.
ITINÉRAIRE DE LA RANDONNÉE :
Ajouter un commentaire
Commentaires