- La Pointe Gnifetti et la Traversée du Naso del Liskamm (Massif des Alpes Pennines)

Publié le 1 août 2024 à 19:05

 

Réalisée du 29 au 31 juillet 2024

 

Un an après l'ascension du Mont Blanc, nous sommes tentés de réitérer l'expérience de franchir la barre symbolique des 4000m d'altitude. Et malgré l'ascension du plus élevé d'entre-eux, l'altitude reste un objectif de taille pour cette prochaine aventure. Encore faut-il que la cotation et l'engagement ne soient pas trop hors de portée nous concernant. 

Mis à part le Massif du Mont Blanc, les plus hauts sommets des Alpes se concentrent sur une autre zone montagneuse : les Alpes Pennines, à cheval entre la Suisse et l'Italie. Dans ce massif, pas moins de 41 sommets dépassent les 4000m, soit la moitié des sommets alpins surpassant cette altitude. On y trouve par exemple le Combin de Grafenaire 4314m, le Cervin 4478m, le Weisshorn 4506m ou encore la Pointe Dufour 4634m. Cette dernière étant le plus haut sommet des Alpes, si l'on exclut ceux du Massif du Mont Blanc. Ce massif italo-suisse n'est pas seulement immense par sa hauteur mais également par sa superficie. Il est encadré par la Vallée du Rhône suisse au Nord, la Vallée d'Aoste au Sud, le Massif du Mont Blanc à l'Ouest et le Massif des Alpes Lépontines à l'Est. Il est ainsi l'un des principaux massifs présents sur le territoire de la région du Val d'Aoste en Italie et du Valais en Suisse. 

 

Face à cette concentration de 4000, on axe nos recherches d'ascension dans cette région, pas si éloignée de la France après tout. En éliminant les sommets les plus techniques, notre guide de haute montagne nous propose de gravir la Pointe Gnifetti 4554m. Tout proche de la Pointe Dufour, ce sommet est situé sur la frontière séparant l'Italie et la Suisse. Son altitude significative en fait le quatrième plus haut sommet de Suisse et le cinquième d'Italie.

Au-delà de son appartenance au Massif des Alpes Pennines, la Pointe Gnifetti s'érige au sein du sous-massif du Mont Rose. Souvent considéré comme géologiquement indépendant, le sous-massif du Mont Rose est en réalité un groupe montagneux des Alpes Pennines. D'ailleurs, le Mont Rose n'est pas une sommité. Il n'existe pas de sommet dans ces environs se prénommant ''Mont Rose''.  Il faut ainsi se tourner vers l'histoire toponymique des lieux pour éclaircir ce paradoxe. En effet, l'intitulé ''Rose'' n'a a priori rien à voir avec la couleur, mais est plutôt en lien avec le patois valdôtain ''Rouésa'' signifiant ''Glacier''. Et c'est bel et bien une caractéristique de ce sous-massif car il abrite d'immenses glaciers, notamment le Glacier de Gorner (- Gornergletscher en allemand) long de 14km. Cependant, les locaux et certains touristes apprécient cette appellation du fait de la couleur rosée qui envahit ses pentes glacées au lever et au coucher du soleil. 

Une autre particularité concernant ce sommet est la présence sur sa cime du plus haut refuge gardé d'Europe : la Capanna Regina Margherita. Nous parlerons d'ailleurs de ce bâtiment hors du commun un peu plus loin dans cet article. 

 

La Pointe Gnifetti prend son nom du premier alpiniste l'ayant gravie le 09 août 1842. Il s'agit de Giovanni Gnifetti et de sa cordée. Et alors qu'en Italien on parle de Punta Gnifetti, en allemand ce sommet est prénommé Signalkuppe que l'on traduirait en français par Cime du Signal, à l'origine son sommet étant orné d'un piton rocheux qui fut détruit pour la construction du refuge.

Le versant italien du Mont Rose est souvent le plus apprécié des alpinistes car moins dangereux avec des pentes moins soutenues et des glaciers moins crevassés. Il y a également plus de refuges gardés du côté valdôtain ce qui facilite les possibilités d'ascension, de traversée et de circuit. C'est d'ailleurs majoritairement en Italie que la voie normale de la Pointe Gnifetti se situe. Elle effectuera uniquement un bref crochet en Suisse avant d'atteindre sa cime.

Les alpinistes qui réaliseront la traversée soit par les arêtes soit en balcons de ces montagnes frontalières (grosso modo entre le Breithorn et la Dufourspitze), le tout en jonglant de refuge italien en refuge italien, réaliseront ce qu'on a l'habitude d'appeler dans le milieu des alpinistes un ''Spaghetti Tour''.

C'est donc vers ce flanc italien du Mont Rose où nous nous rendons. Et malgré une altitude importante, cette montagne peut se gravir aisément et rapidement. Le guide nous propose donc trois jours dans ce massif pour profiter pleinement des glaciers du Mont Rose et pourquoi pas, partir à l'assaut d'autres géants du coin.

 

Jour 1 : De Staffal au Rifugio Quintino Sella al Felik.

 

Pour débuter cette ascension, on traverse d'Ouest en Est la région autonome de la Vallée d'Aoste. Avant de basculer dans le Piémont, on pique vers le Nord en pénétrant dans la longue et profonde Vallée du Gressoney. On remonte cette vallée sur une trentaine de kilomètres pour atteindre la dernière bourgade, le hameau de Staffal. Sur notre route, on traversera plusieurs petits villages où flotte une ambiance montagnarde typique des bourgs d'altitude : toits en lauze, cadrans solaires sur les façades, balcons ornés de géraniums et petites places de villages pavées. 

Depuis Staffal, notre randonnée ne débute pas encore. Pour éviter d'avoir trop de dénivelés, on emprunte quelques remontées mécaniques afin de nous échapper plus facilement du domaine skiable. On remontera ainsi les pistes de ski via deux remontées : le téléphérique reliant Staffal à Sant Anna puis le télésiège situé entre Sant Anna et Colle Betta. 

Dès Staffal, les glaciers chutant des cimes du Mont Rose sont visibles. De même que notre objectif du jour, le Rifugio Quintino Sella al Felik, situé sur la troisième pointe en partant de la gauche.

 

Une fois que l'on quitte les remontées mécaniques et les pistes, on arpente la large arête en direction du refuge. Dès le départ, l'environnement est intégralement minéral. Quelques lacs de fonte et naturels parsèment les bords du sentier.

 

Sur les premiers ressauts, une ample vue se dévoile sur les cimes environnantes et leurs langues glaciaires : le Castor, le Liskamm et la Pyramide Vincent.

 

Zoom sur le principal glacier de la zone : le Glacier du Lys. Au-dessus de ce géant de glace, on observe la Pyramide Vincent 4215m, Corno Nero 4322m et la Ludwigshöhe 4344m.

 

Au niveau des Colle della Bettolina Inferiore et Superiore, la vue s'ouvre sur l'autre vallée à l'Est, la Vallée de Champoluc. A la chaîne orientale du Mont Rose s'ajoute le Breithorn. On devine également les Grands Combins au centre de la photo ci-dessus. 

 

A gauche : la Gobba di Rollin 3899m / A droite : le Breithorn Central 4159m et le Breithorn Oriental 4139m

 

A partir de 3000m d'altitude, l'inclinaison augmente sensiblement. Au même moment, les névés apparaissent sans pour autant rendre difficile l'ascension.

 

En 200-300m de dénivelés, le panorama explose au Sud avec le Massif du Grand Paradis dont on voit les principaux sommets : le Monte Emilius, la Grivola et bien entendu le Grand Paradis. Entre ce massif et notre position, on devine la Vallée d'Aoste filant vers l'Ouest, vers le Mont Blanc, encore camouflé par les hauts sommets.

 

Petit aperçu des langues glaciaires du Glacier du Lys Occidental et du Glacier du Lys qui chutent vers la vallée. Ce sont ces glaciers qui donnent naissance au Lys qui coule dans la Vallée du Gressoney. Cette dernière étant également appelée Vallée du Lys.

 

 

Un centaine de mètres sous le refuge, l'arête s'effile radicalement. On suit fidèlement l'arête qui alterne névés agonisants et parties en rochers. Puis, avec une accentuation de la verticalité de part et d'autre de la crête, des équipements ont été mis en place pour sécuriser la progression : câbles, cordes, passerelles, marches métalliques. Sans grand danger, on évolue de façon ludique jusqu'au refuge.

 

 

Après trois heures d'ascension, on atteint le Rifugio Quintino Sella al Felik. Ce refuge perché à 3585m est un assemblage de portions authentiques et neuves. Rénové et agrandi au fur et à mesure de l'augmentation de la fréquentation des lieux. Derrière lui, l'environnement est totalement glaciaire, ce qui lui permet d'y puiser son eau. Légèrement à l'écart d'un petit plateau rocheux, ces environs permettent de contempler les différentes vallées : la Vallée du Gressoney, la Vallée de Champoluc et la Vallée d'Aoste. Sans oublier les 4000 que l'on devine un à un dans le panorama. 

Le Rifugio Quintino Sella al Felik n'est pas à confondre avec son jumeau du Sud, le Rifugio Quintino Sella al Monviso, situé sur la voie normale du Mont Viso. Quintino Sella est un nom important dans le milieu montagnard italien. Car non seulement il s'agit d'un des alpinistes ayant pour la première fois foulé la cime du Mont Viso 3841m dans les Alpes Cotiennes, mais il a également contribué à la création du CAI (- Club Alpino Italiano) créé en 1863 à Turin.

 

Le Refuge Quintino Sella encadré par le Liskamm et la Vallée du Gressonney.

 

Le Glacier du Felik bordant le ressaut rocheux du refuge. On y observe particulièrement bien la trace des cordées qui part vers les sommets.

Zoom sur le Liskamm Oriental 4527m et le Naso del Liskamm 4272m (photo de droite).

 

 

 

Le diner est servi sur les coups des 19h. En entrée, les traditionnelles pâtes à la bolognaise remplacent le potage habituel des refuges français.

Après le repas, on profite des luminosités changeantes de la soirée pour partir contempler et capturer les paysages environnants. D'autant plus que les quelques nuages s'étant développés dans l'après-midi s'estompent sur la plupart des cimes.

Les 3000 surplombant la Vallée du Gressoney et le Cervin profitent des derniers rayons.

 

Entre le Gressoney et le Champoluc.

 

Entre le Naso del Liskamm et la Pyramide Vincent, la Parrotspitze se débarrasse petit à petit des nuages.

 

Au loin vers l'Ouest, on devine le Mont Blanc, les Grandes Jorasses et les Grands Combins.

Changement de teinte sur le Mont Blanc.

 

Sur ce versant Sud, nous ne sommes pas bien positionnés pour observer le coucher du soleil en plein été. Seuls le Liskamm et son Naso rendront hommage au Mont Rose.

 

Jour 2 : Du Rifugio Quintino Sella al Felik au Rifugio Giovanni Gnifetti par les 4000.

 

 

 

Malgré un rude réveil à 3h45, on part dès les premières minutes à l'extérieur du refuge pour y apercevoir les premières cordées arpentant les glaciers. L'ambiance haute montagne est à son apogée. On y devine d'ailleurs déjà des alpinistes sur l'arête séparant le Liskamm du Castor.

 

De notre côté, on repart quelques instants plus tard à l'intérieur du refuge pour apprécier notre petit déjeuner. Ce n'est qu'à 4h40 que nous enfilons notre équipement et que nous foulons pour la première fois les glaciers du Mont Rose.

 

Le Rifugio Giovanni Gnifetti est situé pile en face du refuge où nous nous trouvons. L'objectif de la journée est donc de le relier en effectuant une traversée glaciaire au-dessus du fond de vallée. 

A mi-chemin environ, un sommet émerge des différents glaciers dévalant les faces Sud, il s'agit du Naso del Liskamm. Plutôt considéré comme une antécime du Liskamm Oriental, il se distingue tout de même du reste du chaînon et est séparé de ce dernier par le Colle de la Fronte.  D'ailleurs, contrairement à ses grands frères, ce sommet est totalement situé en Italie.

Son ascension et sa descension sont nos principaux objectifs du jour. La fatigue et le temps décideront de la poursuite ou non de cette journée en haute montagne. 

 

Très vite, la lumière du jour prend le dessus et dévoile un paysage glaciaire et chaotique : crevasses, parois, éboulis, avalanches. La haute montagne dans tout ce qu'elle a de grandiose et de redoutable. La trace passe d'ailleurs à équidistance des zones crevassées et des parois où chutes de pierres et chutes de séracs ne sont pas à négliger. On passera d'ailleurs à la hâte sous la falaise de la Felikhorn 4087m où de nombreuses avalanches jonchent le haut du glacier. 

En franchissant une sorte de collet, on bascule sur le Glacier du Lys Occidental. On traverse sa partie haute avant de buter sur la face Ouest du Naso. Sur cette partie de la course, et même si le soleil ne va pas tarder à pointer le bout de son nez, nous sommes bousculés par de puissantes rafales. Ce coup de vent n'ayant pourtant pas été prévu par les différents bulletins météo.

 

 

On se rapproche de plus à plus du Naso del Liskamm. C'est ainsi que l'on peut davantage anticiper le reste de l'ascension. La montée vers cette cime ne sera pas uniquement glaciaire. Sur quelques dizaines de mètres, on empruntera la partie rocheuse de la face Ouest que l'on observe au centre de la photo à gauche. Ensuite, on piquera directement vers le sommet. Comme on peut le voir également, la glace est à vif sur plusieurs longueurs ce qui nécessitera une attention tout particulière lors de notre ascension. 

 

L'ambiance est glaciale durant cette traversée. Le vent ne finit pas de bafouer rafale après rafale les pentes du Mont Rose. On se sert d'une pause au pied du Naso pour s'emmitoufler davantage. Nous ne sommes pas du bon côté pour profiter des premiers rayons du soleil. Il nous faudra attendre la cime du Naso.

Avant d'atteindre les rochers, la guide raccourcit l'écart de corde entre les participants et on se lance à l'assaut du Naso. Et bien que les blocs ne posent pas vraiment de problème de stabilité comme de technicité, aux déséquilibres engendraient par les puissantes bourrasques s'ajoutent les chutes de grêlons causaient par les cordées en amont. Le tout rendant l'expédition bien plus stimulante qu'envisagée.

Une fois l'arête rocheuse terminée, on patiente quelques minutes le temps que le guide mette en place les broches qui nous serviront à progresser sur la glace vive. Il n'y a pas de déviation dans ces cas-là, on part droit dans la pente en plantant au mieux nos pointes avant des crampons et en n'omettant pas de retirer les broches à glace à notre passage. 

Bien que la partie glacée n'ait été longue que d'une quarantaine de mètres, nos mollets sont bien contents de retrouver la neige et la progression en lacets jusqu'au sommet du Naso.

Le Castor 4228m avec le Mont Blanc au loin qui s'échappe de la brume.

 

 

 

Un peu avant le sommet, le soleil s'invite et illumine les derniers mètres sur l'arête enneigée. 

On atteint le sommet du Naso del Liskamm 4272m vers 8h du matin. Malgré plusieurs cordées avant et devant la nôtre, on a le sommet pour nous à notre arrivée. On contemple le paysage à l'Est, à l'Ouest et au Sud alors qu'au Nord, les nuages et le vent balayent les pointes frontalières.

D'un côté la Pyramide Vincent 4215m, de l'autre le Cervin 4478m.

 

De gauche à droite : le Mont Velan, les Grands Combins, le Castor, Pollux, la Dent d'Hérens, le Breithorn et le Cervin.

 

Au-dessus du Glacier du Lys et de la Vallée du Gressoney. Au loin à droite, on devine le Grand Paradis et ses glaciers.

 

 

Avant que les premiers alpinistes ne viennent à notre rencontre, on se décide à dévaler la pente Est du Naso. Avec un printemps humide et frais, la plupart du tracé se fait encore sur la neige. On ne devine qu'à peine la rimaye qui sépare les pentes du Naso du Glacier du Lys. On chute ainsi de 4200m jusqu'à 3950m environ avant de poursuivre notre traversée glaciaire. Par la même occasion, le vent se fait de plus en plus discret, réchauffant grandement l'atmosphère sur le glacier.

 

On passe sous le Liskamm Oriental.

Les crevasses sont par moment immenses mais une vaste zone d'accumulation permet d'éviter les plus importantes. A cela il faut ajouter les séracs qui nous surplombent et qui dégueulent de l'arête Est du Liskamm.

 

 

Finalement, la disparition du vent et l'heure précoce nous permettent de poursuivre l'aventure glaciaire encore plus haut. Au lieu de descendre vers le refuge, on oblique vers le Nord en direction de la frontière suisse, en direction de la Pointe Gnifetti.

 

 

On rejoint l'autoroute d'alpinistes montant et descendant des différentes cimes du Mont Rose. La pente est douce jusqu'au Colle del Lys 4246m situé sur la frontière séparant la Suisse de l'Italie. Au fur et à mesure de nos pas, la neige se transforme sous l'effet de la chaleur, mais pas de quoi contraindre la poursuite de l'ascension .

 

Au col, seule la Parrotspitze 4443m est visible sur la droite. Au centre, la Pointe Gnifetti semble bloquer les nuages en Suisse. On ne devine que la trace d'ascension au centre du glacier. De l'autre côté du Colle del Lys, il ne s'agit plus du Glacier éponyme mais du Grenzgletscher.

 

Au fur et à mesure que l'on progresse, les nuages se dissipent. On aperçoit brièvement la Capanna Regina Margherita et on continue nos prières pour que la nébulosité se stabilise voire s'estompe.

 

Des séracs barrent la route à une ascension directe de la Pointe Gnifetti. On fait donc le crochet près du Colle Gnifetti, sans toutefois y aller, situé entre la Zumsteinspitze et la Pointe Gnifetti.

 

Derrière nous, les versants suisses de la Parrotspitze, de la Ludwigshöhe et du Liskamm. On voit également le Naso del Liskamm au-dessus du Lisjoch.

Alpinistes sur l'arête sommitale de la Parrotspitze 4443m.

 

Comme nous l'espérions, on arrive au sommet de la Pointe Gnifetti 4554m dénuée de toute nébulosité. On observe le panorama puis notre curiosité nous amène à découvrir l'intérieur de la Capanna Regina Margherita, le plus haut refuge gardé d'Europe.

 

 

 

Cette construction insolite a une histoire toute particulière. Inaugurée le 18 août 1893 par la Reine Marguerite de Savoie en personne et après quatre années de travaux hors norme, elle est depuis ce jour la plus haute construction gardée d'Europe. Cette cabane fut construite pour la reine, une habituée de la région et une passionnée d'alpinisme. Avec cette ascension, elle devient par ailleurs la première femme à gravir une cime du Mont Rose.

Une fois construit, la cabane devient un centre de recherche sur la médecine à haute altitude dirigé par le scientifique Angelo Mosso dont l'ancien laboratoire était positionné auparavant au Col de Salati à 2900m d'altitude.  Une station météo y est également implantée en 1899. La température la plus froide enregistrée là-haut fut de -41°C durant l'hiver 1928-1929.

 

 

 

 

Elle a ensuite été rénovée entre 1977 et 1979 pour finalement aboutir au bâtiment que l'on observe aujourd'hui. Elle devient ainsi un refuge pour les alpinistes avec près de 70 couchages, le tout géré par le Club Alpino Italiano. Depuis 2004, elle accueille également une bibliothèque appartenant au CAI et compilant aujourd'hui plus de 350 ouvrages faisant de cette collection la plus haute bibliothèque du continent.

Bien que située sur la frontière italo-suisse, le bâtiment appartient entièrement à l'Italie depuis 1941 grâce à la signature bilatérale de la Convention
entre la Confédération suisse et le Royaume d’Italie sur la détermination de la frontière italo-suisse entre le Run Do ou Cima Garibaldi et le Mont Dolent. Ce traité ajustant le positionnement de la frontière entre les deux pays sur de nombreux tronçons communs.

 

Le Lisjoch, le Naso del Liskamm, le Liskamm et le Cervin depuis la Pointe Gnifetti. Avec la fonte, le sable réapparait sur les glaciers suisses.

 

Depuis la Pointe Gnifetti, on toucherait presque du doigt les plus hautes cimes du massif (à droite) : la Dufourspitze 4634m et la Nordendspitze 4609m.

 

Sur la face Sud-Est de la Pointe Gnifetti, on plonge sur le Valsecia et son parc naturel qui occupe la haute vallée. Ici, on ne fait pas frontière entre le Valais et le Val d'Aoste mais entre le Valais suisse et le Piémont italien.

 

L'arête Est de la Pointe Gnifetti / Le Cervin chapeauté.

 

L'altitude se fait tout de même ressentir dans le refuge. Comme si les 4500m nous écrasaient et nous assommaient. On se remet donc en selle pour entamer la descente vers le Rifugio Giovanni Gnifetti sous une chaleur suffocante et dans une neige devenue bien molle.

 

On remet rapidement pied dans la Vallée d'Aoste. On se tourne légèrement pour entrevoir le paysage derrière nous et saluer une dernière fois la Pointe Gnifetti.

 

 

Malgré la petite remontée en franchissant le Colle del Lys, la descente est plutôt directe vers le Rifugio Giovanni Gnifetti 3647m. Encore une fois, ce bâtiment est le résultat d'une prouesse architecturale. Il s'accroche à son éperon rocheux entouré du Glacier du Lys et du Glacier du Garstelet.

Avec ses 176 couchages, ce refuge est un des plus gros du massif. Alors même qu'un second refuge, le Rifugio Città di Mantova, est situé 200m en contrebas de celui-ci. Cette forte présence de refuge est dûe à la renommée de ces montagnes mais également à la faible technicité pour atteindre les 4000m d'altitude.

 

Glacier du Lys et Pyramide Vincent depuis le toit du Rifugio Giovanni Gnifetti.

 

Notre arrivée en début d'après midi nous permet de réaliser une petite sieste en vu de calmer ce léger mal de tête qui nous accompagne depuis un bonne partie de la descente. A notre réveil, l'ambiance au-dessus des Alpes Italiennes a totalement changé. Les nuages ont pris le dessus et des rideaux de pluie arrosent les chaines du Mont Blanc et du Grand Paradis. Finalement, nous n'aurons pas à patienter pour le coucher du soleil ce soir-là.

Nous déciderons le lendemain matin, si cette couche nuageuse se dissipe, d'ajouter un autre sommet à notre palmarès.

 

Le Mont Blanc et les Grands Combins dans la tourmente.

 

Jour 3 : L'ascension de la Pyramide Vincent en bonus.

 

Un nouveau réveil à 3h45 et les étoiles sont de la partie au-dessus du Rifugio Giovanni Gnifetti. On s'attelle donc à entamer l'ascension de la Pyramide Vincent 4215m située 700m en amont du refuge. La Pyramide Vincent est l'un des 4000 des Alpes les plus simples d'accès avec un dénivelé depuis le refuge relativement faible et une ascension exclusivement glaciaire. L'unique danger provient des ponts de neige qui se fragilisent de jour en jour avec les fortes chaleurs. On ne déviera ainsi que très peu de la trace sur les zones les plus crevassées.

 

L'autoroute d'alpinistes sur le Glacier du Lys. Au-dessus d'eux, la Pyramide Vincent se décalque dans les premières lueurs du jour.

 

La montée est assez radicale jusqu'à la jonction entre l'itinéraire bifurquant vers la Pyramide Vincent et l'autre filant vers la frontière suisse.

 

Près du Colle Vincent, le sommet du Liskamm Oriental s'illumine. Il se fait par moment malmener par quelques nuages taquins alors que la Pyramide Vincent, elle, semble à l'abri de toute nébulosité.

 

L'ultime grimpette depuis le Colle Vincent 4088m.

 

Malgré l'absence de vent, l'instabilité semble prendre place au-dessus des montagnes italo-suisses.

 

 

On atteint le sommet de la Pyramide Vincent 4215m à 7h pile. Sur son versant Est, c'est un horizon de montagnes et de mer de nuages qui s'élance. Comme depuis la Pointe Gnifetti, la sensation de dominer les vallées piémontaises se fait particulièrement sentir tant la verticalité sur cette face est impressionnante. Encore une fois, le panorama est exceptionnel et ce n'est pas les quelques nuages se développant sur les cimes du Mont Rose qui viendront gâcher la vue.

La Pyramide Vincent est gravie pour la première fois le 05 août 1819 par Johann-Nikolaus Vincent, originaire de Gressonney-St-Jean, et sa cordée. Il donnera ainsi son nom à la montagne.

 

La vue vers l'Est est hypnotisante lors du lever du soleil.

 

Ciel chaotique sur le Liskamm oriental, Corno Nero, la Ludwigshöhe et la Parrotspitze.

 

Derrière le Lisjoch et le Balmenhorn, le Weisshorn 4506m élance fièrement sa forme pyramidale.

 

Timides rayons de soleil sur le Mont Blanc et les Grands Combins.

 

D'autres voies permettent d'accéder à la Pyramide Vincent, notamment des arêtes mixtes sur le versant Est, mais la difficulté s'accentue grandement. On se contentera donc d'une descente par le même itinéraire que l'ascension. Tout en prêtant une nouvelle fois attention aux ponts de neige qui jonchent la trace.

 

 

Descente face au Liskamm Oriental 4527m.

 

Rapidement on retrouve le Rifugio Giovanni Gnifetti et son éperon. Le bal des hélicoptères de ravitaillement trouble le calme de notre descente.

La suite de l'itinéraire consiste à poursuivre notre chute vers le second refuge des environs, le Rifugio Città di Mantova. Quelques mètres avant ce bâtiment, on quitte le Glacier du Garstelet pour zigzaguer entre les blocs. De là, on se fixe comme objectif de relier l'arrivée du télécabine de la Punta Indren perchée à 3200m d'altitude, terminaison de nos trois jours dans le Mont Rose.

 

Le Rifugio Giovanni Gnifetti depuis le Glacier du Garstelet. Au loin et au centre, on devine le Mont Blanc.

 

La fin du Glacier du Garstelet avec le Rifugio Città di Mantova à son pied. Au loin à droite, le Grand Paradis et la Grivola.

 

Dernière traversée glaciaire via le Glacier d'Indren. Face à la faible inclinaison et à l'absence de crevasses, on ne prend pas la peine de s'encorder ni de se cramponner. D'autant que cette langue glaciaire est en piteux état.

 

 

Nous sommes accueillis à l'arrivée du télécabines par quelques bouquetins, davantage intéressés à lécher le peu de sel sur les cailloux que par notre passage. 

Le télécabine de Punta Indren marque la fin de ces trois jours autour des 4000 du Mont Rose. Pas moins de trois sommets emblématiques de la région ont été gravis sans que les nuages ne viennent troubler le paysage. Une immersion totale dans l'environnement glaciaire du sous-massif du Mont Rose qui nous a permis de découvrir ces montagnes relativement lointaines et d'appréhender ces géants des Alpes que nous ne connaissions que très peu. 

Voilà que le Mont Rose ne nous est plus étranger. Et peut-être qu'un jour nos désirs d'ascension nous conduiront de nouveau vers les 4000 de cet immense massif.


ITINÉRAIRE DE LA COURSE : 

 

 

Informations complémentaires : 

 

- le budget du périple (pour deux personnes) :  - Encadrement 1440 euros (tarif du Bureau des Guides de Grenoble)

                                                                                                         - Refuges 483 euros (possible de payer en carte bleue aux refuges)

                                                                                                        - Remontées mécaniques 130 euros (Attention aux horaires de fermetures à la mi-journée)

                                                                                                        - Parking 20,50 euros (parking payant à Staffal, pour une durée de 48h)

                                                                                                        - Extras 49 euros (boissons et eau en bouteille)

                                                                                                        Total = 2122,50 euros (ne comprend pas le coût du transport, les péages et le passage du Tunnel du Mont Blanc)

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Commentaires

Alexandra
il y a 4 mois

Encore une belle expédition 🤗

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